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Les tirs de balltrap résonnent à travers la forêt de Gonsans. La petite commune d’un peu plus de 500 habitants est aussi et surtout le chef-lieu de la chasse dans le Doubs. C’est ici que l’on retrouve Jean-Maurice Boilllon, président de la Fédération départementale depuis dix ans. L’intéressé a accepté une interview à propos du coup d’envoi de la chasse avec le tir d’été depuis le 1er juin, non sans crainte.

Car les débats autour de la pratique se sont accélérés depuis un an un peu partout en France. Côté politique, le 1er février 2023 le sénateur Patrick Chaize a déposé une proposition de loi pour mieux la sécuriser et l’Union Européenne a interdit l’utilisation du plomb pour le petit gibier, près des zones humides. Associations, défenseurs des animaux et fédération de chasse s’affrontent devant les tribunaux quand dans le même temps sur les réseaux sociaux, le moindre accident ravive une contestation populaire parfois démagogique. Un clivage qui provient d’abord de l’ambivalence autour de la chasse : une pratique aussi vieille que l’homme devenue une mission de service public. C’est aussi une passion, un loisir qui rassemble plus d’un million d’adhérents en France, dont un peu plus de 7000 dans le Doubs, et génèrerait près de 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires chaque année (chiffres de la FNC).

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Photo d’illustration

5115 chevreuils à prélever au minimum

Le tir d’été lui reste faible : on parle ici d’une chasse d’approche, individuelle et sans chien, qui ne concerne que trois espèces (chevreuils, sangliers et renards) sur des zones géographiques précises. « Concernant le brocard, on cible les animaux malades, chétifs, blessés ou avec un comportement étrange, de manière à maintenir un cheptel de qualité. Le sanglier, c’est surtout pour la prévention des dégâts dans les champs. C’est de l’effarouchement plutôt que de la sélection », confie Jean-Maurice Boillon. Début juin, c’est aussi la date de publication du plan de chasse 2023 – 2024 qui elle concerne aussi l’ouverture générale, prévue le 10 septembre.

À l’intérieur, les quotas d’animaux à prélever pour maintenir un équilibre environnemental et cynégétique stable. Cette saison, la Préfecture du Doubs a instauré une fourchette d’attribution similaire à celle de l’an passé pour les chevreuils : entre 6551 et 7852 attributions réparties entre différentes unités de gestion avec un nombre minimal de 5115 chevreuils à prélever. « J’ai vu quelques inquiétudes concernant les chiffres. Pour une part elles sont passionnelles, quand on parle de milliers d’animaux, le grand public ne tolère pas la mort, c’est une réaction de principe. On ne retrouve pas les mêmes réactions pour la pêche par exemple. Nous, nous n’avons pas d’opposition de principe à la chasse. Néanmoins, elle comporte certaines dispositions qui posent un problème. », commente Gilles Benest, président de France Nature Environnement dans le Doubs.

« C’est bien le préfet qui décide du nombre d’attributions sur notre territoire, pas les chasseurs. Nous sommes obligés de respecter un minimum obligatoire, sous peine de voir la société de chasse sanctionnée. Nos méthodes sont calibrées par des scientifiques, standardisées et inscrites au répertoire des protocoles de suivi de la faune sauvage. C’est une passion mais surtout un métier, on emploi une dizaine d’écologues à la fédération. On ne bricole pas les chiffres, des dizaines de paramètres sont pris en compte avec des études faites sur minimum 10 ans. », se défend Jean-Maurice Boillon.

Prélèvements en baisse

Si pour le grand public ces chiffres paraissent importants, les prélèvements de chevreuils ont baissé d’environ 40% en 20 ans dans le Doubs. « Nous avions 10 000 attributions environ en 2004, aujourd’hui 7800 au maximum pour environ 6000 prélèvements. Cette baisse est due en grande partie au retour du Lynx », explique Jean-Maurice Boillon. Au niveau national, le chevreuil a pourtant augmenté de 20% entre 2005 et 2020, d’après le dernier rapport sur les forêts françaises. Étrangement, dans sa synthèse des observations du public sur ce plan de chasse 2023 – 2024,  la préfecture note : « si les chasseurs devront prélever 5115 animaux, il n’est techniquement pas possible qu’ils prélèvent 7852 chevreuils qui est le maximum qui peut réglementairement leur être attribué. »

Le département manquerait-ils de chasseurs ? En tout cas le nombre de pratiquants est en légère mais constante baisse, d’1 à 2% par an, depuis une décennie. Si les débats sont parfois tendus, la Fédération de Chasse du Doubs et France Nature Environnement 25-90 travaillent conjointement sur plusieurs projets. C’est notamment le cas sur le renard et le projet CARELI depuis 2020.

Côté sécurité, depuis 15 ans les chasseurs ont régulièrement des formations obligatoires dans le Doubs et obtenir son permis de chasse se fait après un programme costaud afin d’éviter la moindre erreur une fois sur le terrain. En une décennie de présidence, Jean-Maurice Boillon se félicite de n’avoir eu aucun décès sur le département. « Nous avons parfois quelques accidents mais ce n’est rien comparé à d’autres loisirs ! De plus les accidents touchent surtout les chasseurs et non le grand public ».

Reste la problématique des jours de pratique. À compter du 10 septembre et l’ouverture générale de la chasse, seul le vendredi est un jour sans chasse. Pour le reste, une ou plusieurs espèces peuvent être ciblées selon les unités de gestion. Un point qui n’avait pas été ajouté dans le projet de loi présenté au Sénat et qui n’a pas encore de date d’examen. À l’intérieur néanmoins, des propositions nouvelles comme un délit d’alcoolémie, un certificat d’aptitude tous les 10 ans ou encore une uniformisation des règles de sécurité.

Des idées de bon sens selon Jean-Maurice Boillon. « S’il s’agit de protéger une passion c’est normal et nous avons pris les devants dans le Doubs. La chasse doit être mise au même niveau que d’autres loisirs et il faut stopper cet acharnement. »

M.S