Horlogerie : l’excellence bisontine s’associe à la qualité du « Swiss Made »

Un an presque jour pour jour après l’inscription des savoir-faire horlogers au patrimoine mondial de l’Unesco, la société Humbert-Droz installée à Besançon et la manufacture suisse La Joux-Perret ont scellé un accord de partenariat le 21 décembre 2021 additionnant les excellences française et suisse.

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Et si l'aventure horlogère avait un nouvel avenir en Franche-Comté ©YQ

L’histoire entre Besançon et la Suisse est longue de 230 ans, quand Laurent Mégevand, horloger né à Genève, quitte Le Locle en 1793 en compagnie de 80 horlogers suisses bannis pour avoir soutenu la révolution française. C’est le début d’une ère de prospérité pour la capitale comtoise. Ce pôle industriel horloger qui produit des montres depuis l’ébauche au cadran en passant par les boîtiers va bientôt attirer plus de 700 horlogers suisses s’installant durablement à Besançon.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la capitale comtoise devient celle de la montre française. 400 ateliers d’horlogerie occupent le centre-ville de Besançon. En 1880, 90% des montres françaises sont fabriquées à Besançon qui accueille alors « l’Horlo » et l’institut de chronométrie.

La famille Humbert-Droz est l’héritière de l’excellence horlogère française
Julien Humbert-Droz explique les éléments du partenariat franco-suisse devant Anne Vignot la Maire de Besançon ©YQ

Marcel Humbert-Droz, fils d’un horloger suisse (ça ne s’invente pas), passé chez Lip, ouvre un atelier de réparation à Besançon en 1956. Dans les années 70, Réparalux compte près de 80 horlogers sous la houlette de Jean, le fils du fondateur. A son image, ce sont tous des passionnés des roues d’ancre, des platines polissées, des spiraux si fragiles pour garder le temps. La crise de l’horlogerie française et la déferlante des montres à quartz n’auront pas raison d’une maison qui place l’art de bien faire au-dessus de tout. Frédéric suivra le chemin puis Julien l’arrière-petit-fils du fondateur continuent à entretenir une flamme vieille de plus de 50 ans. Et c’est pour rendre hommage à son arrière-grand-père que Julien Humbert-Droz crée en 2016 la propre marque familiale forte d’une dizaine de modèles, vendus à plusieurs milliers d’exemplaires en France et à l’étranger. Pour cet horloger de 29 ans formé à Morteau…l’aventure ne fait que commencer !

Tourbillon squelette ou grande série, la valeur ajoutée des calibres de La Joux Perret
Jean-Claude Eggen le dirigeant de la manufacture La Joux Perret « le début d’un savoir-faire franco-suisse » ©YQ

De l’autre côté de la petite montagne, à la Chaux-de-Fonds, c’est un autre passionné qui se lance en 1990 dans la production de calibres de montres de A à Z. La manufacture La Joux Perret, dirigée par Jean-Claude Eggen, compte 110 collaborateurs dans un univers totalement vertical, de la conception à la réalisation complète des mouvements de montres. Fournisseur de nombreuses marques de prestige, la manufacture est également capable de produire des calibres pour le large marché du « swiss made ».

Il fallait un troisième larron dans l’aventure, ce sera Alain Marhic

Le fondateur en 2008 de la marque March LA.B réinvente des montres vintage au style intemporel. Pour cet ancien haut responsable de Quicksilver, surfer de nouveaux projets est  une seconde nature. Sollicité par Humbert-Droz qui assemble tous ses modèles, Alain Marhic équipera donc ses modèles avec le G 100 suisse assemblé à Besançon.

Un partenariat franco-suisse fondé sur l’esprit horloger
Les protagonistes d’une nouvelle aventure horlogère. de gauche à droite : Jean-Jacques Weber Président de la Fédération Française de l’Horlogerie, Jean-Claude Eggen dirigeant de La Joux Perret, Frédéric, Jean et Julien Humbert-Droz, Alain Marhic créateur des montres MarchLAB ©YQ

Julien Humbert-Droz et Jean-Claude Eggen ont élaboré cet accord bien avant que l’Unesco offre à l’arc jurassien la reconnaissance mondiale du savoir-faire horloger. « Le patrimoine vivant horloger vit concrètement avec cette collaboration entre les deux entreprises, suisse et comtoise » a souligné Anne Vignot, présente sur les fonts baptismaux de la renaissance de l’horlogerie française.

L’événement est unique. Il s’agit d’assembler tous les composants d’un mouvement suisse à Besançon en garantissant la qualité du « swiss made ». L’assemblage à Besançon du calibre automatique G 100 de La Joux Perret devrait concerner environ 3 000 pièces/an. C’est une première étape, « le début d’une nouvelle aventure » s’est enthousiasmé Philippe Lebru le créateur d’Utinam (qui s’y connaît en matière d’aventure !).

Le mouvement standard industriel développé par La Joux Perret présente la particularité de posséder une réserve de marche de 68h dont la masse oscillante devrait être personnalisée aux couleurs des marques horlogères par la société Bailly implantée dans la zone de Trépillot à Besançon. Il ne s’agit donc pas seulement d’une opération de sous-traitance entre la manufacture suisse et Humbert-Droz mais bien la construction d’un nouveau modèle économique et industriel de l’horlogerie française. « Je souhaite redonner à la France ce qu’elle a laissé à la Suisse au cours de son histoire, le savoir-faire, la connaissance et la passion horlogère ». Dans cette déclaration d’amour, le suisse Jean-Claude Eggen imagine tous les mariages des deux côtés de la frontière.

« 15 000 frontaliers vont chaque jour travailler en Suisse, c’est autant que tous les emplois de l’horlogerie en France » soulignait Jean-Jacques Weber, le président de la Fédération Française de l’Horlogerie. Sa présence à la naissance de ce nouveau partenariat industriel démontre « le début d’un savoir-faire horloger franco-suisse » et Julien Humbert-Droz de conclure « Avec la Suisse voisine, nous n’avons pas vocation de nous opposer mais de nous unir ».

« Pas besoin de business plan » assure Jean-Claude Eggen. « Nous avons discuté et…mangé ensemble ». Le patron de La Joux Perret n’oublie pas de vanter son calibre G 100 comme le principal concurrent de l’éternel 2824 de chez ETA. Alors, le manufacturier suisse table sur l’innovation et la sensibilité horlogère des deux côtés de la frontière. Pour le territoire comtois, c’est un atout économique, la reconnaissance de l’excellence horlogère française en matière de formation et la capacité (l’avenir le dira) à réindustrialiser Besançon et le Haut-Doubs.

Yves Quemeneur