Région. Marie-Guite Dufay : « Notre rôle est d’anticiper les solutions »  

Difficile pour la présidente de Région Marie-Guite Dufay de maintenir une feuille de route dans une période politique agitée. Entre tensions dans la rue et situation économique liée aux problèmes internationaux, la Bourgogne Franche-Comté réfléchit à plus long terme pour anticiper la déprise démographique annoncée et faire du territoire un pionnier sur différents secteurs d’activité.  

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Marie-Guite Dufay préside la région depuis 2015. Photo FB

Dans une période politique bousculée par la réforme des retraites et ses conséquences, vous êtes néanmoins restée discrète sur le sujet. Ne craignez-vous pas que la situation actuelle creuse un peu plus le fossé entre la population et le monde politique ?

Ce monde politique est déjà honni depuis longtemps, le fossé ne fait que s’agrandir mais ce n’est pas uniquement dû à l’actualité. La cristallisation aujourd’hui de l’opinion se fait autour du Président…

Il peut y avoir des effets collatéraux auprès des élus locaux, que ce soit vous, les députés ou les maires. Des gens qui essaient de renouer le lien avec la population au quotidien…
(Ndlr : Marie-Guite Dufay a appelé le gouvernement à lancer des négociations avec les partenaires sociaux. « Rien de pire pour notre démocratie que de passer en force »).

Cette réforme arrive dans un contexte où le marché du travail est compliqué, en particulier pour les personnes âgées. Avant de vouloir une réforme des retraites, il fallait peut-être traiter le problème de l’emploi senior. Comment sécurise-t-on la carrière de ces gens-là ? Ce sujet n’a pas été traité, donc à partir de ce moment, les dés sont pipés.

Ils étaient encore plus de 8000 manifestants mardi 28 mars à Besançon, 13 000 le jeudi 23. Le mouvement tient, la violence en fin d’après-midi s’intensifie.

Comment avez-vous perçu le discours du Président, mercredi 22 mars ?

Le discours de quelqu’un qui est au terme d’un processus démocratique, il a raison de le dire. Il ne fallait pas qu’il saisisse les institutions de cette façon-là, au départ. Avant d’arriver au parlement, il fallait une concertation et une recherche de compromis qui n’ont pas eu lieu. Dès lors, tout le reste est vain et on aboutit à ce dialogue de sourds. C’est un moment difficile pour notre pays, le Président n’a pas de majorité, il est passé en force sur le système des retraites moyennant un processus démocratique, je le répète. J’espère que les manifestations, qui sont totalement légitimes, ne déboucheront pas sur des violences plus fortes qu’actuellement. Les syndicats ont su maintenir le calme et je regrette qu’en face il n’y ait pas eu de dialogue.

Vous avez présenté le budget de la Région en janvier 2023 avec beaucoup de prudence. Est-ce qu’aujourd’hui vous en savez déjà plus ?

 Nous sommes toujours en négociation importante avec la SNCF pour diminuer de façon importante et structurelle le coût de la convention signée avec cet établissement. Une négociation avec l’État est aussi en cours pour obtenir des compensations liées à l’inflation. Au mois de juin, nous évaluerons comment reprendre les dépenses d’investissements avec un plan pluriannuel.

Il y a une demande en hausse dans le Haut-Doubs pour utiliser le TER et traverser la frontière. Les usagers aimeraient plus de navettes et de disponibilités. La piste est-elle étudiée ?

C’est une ligne qui ne le permet pas et qui a besoin d’être restaurée. On vient de mettre 50 millions d’€ et nous allons refaire le même investissement pour la maintenir en état. Je vous avoue que mes préoccupations concernent plutôt le Nord de la Bourgogne, là où il y a un nombre très important d’usagers. Il faut améliorer le service car il y a un encombrement, comme entre Mâcon et Lyon. On sait qu’il y a trop de frontaliers sur les routes mais c’est illusoire de penser que le train pourra être la seule solution

L’autre enjeu sur le Haut-Doubs, qui concerne aussi Besançon, c’est l’aménagement de la RN57. D’un côté le contournement de Pontarlier, de l’autre la fin de celui de Besançon. Ces deux dossiers trainent…

Le prochain contrat Plan – État Région devrait être connu dans les jours qui viennent. Je crains malheureusement qu’il y ait beaucoup plus de crédits alloués par l’État sur les trains, ce qui est une très bonne chose, que sur les routes. Pour la RN57 la priorité est d’abord la fin du projet à Besançon. Le Haut-Doubs n’est pas mis de côté mais il y a deux contournements majeurs à financer dans notre Région, à Besançon et à Auxerre. J’espère que nous aurons des financements pour les deux.

Crédit Photo : Région Bourgogne Franche-Comté

Sur les transports et le train, il y a un autre dossier qui traîne, celui de la ligne à grande vitesse sur la portion Belfort/Mulhouse…

 Je me bats depuis des années pour que ce chantier soit considéré comme prioritaire et les écologistes, initialement contre ma position, commencent à se rallier, c’est une bonne chose. Le dossier ne devait pas être réétudié avant 2030 mais on l’a déterré. Des études sont toujours en cours et dès qu’elles seront terminées, le COI (comité d’orientations des infrastructures) planchera sur un nouveau calendrier qui devrait être plus favorable à ce qui est annoncé. Un chantier qui n’est pas terminé est toujours mauvais pour les finances publiques. L’argent dépensé est toujours à perte tant que le chantier n’est pas terminé.

À l’image des mobilités, d’autres dossiers sont guidés par la transition écologique en cours…

Nous nous sommes dotés d’une feuille de route avec entre autres une promotion des énergies renouvelables, de la sobriété énergétique, de l’alimentation de proximité. L’agriculture se repense et le nouveau contrat PAC est très axé sur la transition écologique de la filière, notamment vers une meilleure gestion de l’eau. En tant que Doubiste, il ne faut néanmoins pas oublier une facette : quid de l’automobile ? C’est l’une de deux grandes préoccupations avec l’agriculture. La fin du moteur thermique peut être une très grande menace économique mais aussi sociale. C’est 40 000 emplois sur notre territoire. On rencontre les acteurs pour comprendre leurs besoins en matière de transition et voir de quelle manière nous pouvons déjà les accompagner.

Que vous dit un acteur comme PSA Peugeot-Citroën sur l’après 2035 ?

 Nous échangeons avec eux, c’est une entreprise qui marche très bien mais qui n’a jamais eu l’esprit filière, c’est un problème. Les sous-traitants sont dans le brouillard. Une situation qui est compensée par l’hydrogène et l’arrivée de gros investisseurs qui vont drainer du développement économique.

L’hydrogène est une des solutions sur notre territoire à long terme mais nous n’en sommes qu’aux prémices…

Le Nord Franche-Comté fait partie des secteurs pionniers en la matière. L’avance que nous avions en termes de recherches a offert une voie de développement, il en faut plusieurs à mon sens, même si concrètement pour faire fonctionner un véhicule léger à l’hydrogène, on peut encore attendre 10 ans. Passer du moteur thermique, ou électrique à l’hydrogène, ce sont des changements majeurs en matière de compétence ou d’appareil productif. Mon rôle est d’anticiper les solutions. On est déjà sur l’après 2035 et la fin des moteurs thermiques par exemple mais on doit aussi plancher sur la perte démographique annoncée dans notre région.

Le Doubs est moins impacté par cette baisse démographie notamment grâce à la frontière

Dans la région nous allons perdre 50% des jeunes d’ici à 15 ans si l’on exclut le secteur frontalier. Il faut que l’ensemble des élus locaux se mobilisent sur cet enjeu. Nous avons des atouts partout pour faire venir la population.

Un enjeu qui rejoint les questions précédentes : l’aménagement urbain et l’accessibilité aux services publiques…

Je me positionne par rapport à l’ensemble de la Région et le Doubs n’est pas le secteur le plus en difficulté, loin de là. Du côté de la Bourgogne, la Nièvre, l’Yonne, la Saône-et-Loire, il y a une très grande déprise démographique à laquelle il est urgent de répondre. Dans le Doubs, il y a aussi un gros secteur stratégique : le biomédical et les biothérapies. Besançon est devenu un secteur de renommée mondiale. Il ne faut surtout pas rater le passage de la recherche à la création et la manufacture de médicaments. Ça demande des investissements considérables et dans cette perspective, le ministre de la Santé doit se déplacer pour se rendre compte de cette dynamique autour de l’EFS, Bioinnovation, etc. Nous parlons de souveraineté nationale, pas uniquement sur l’alimentation mais aussi sur les médicaments. Nous avons un axe sous nos yeux qui est extrêmement stratégique.

Un déplacement du ministre de la Santé est prévu prochainement ?
Le 14 avril mais compte tenu de l’actualité politique, le rendez-vous est repoussé à une date ultérieure.

Propos recueillis par Martin SAUSSARD