Les entreprises de Travaux Publics préoccupées par l’attentisme des maires

Si 70% de l’activité des entreprises de travaux publics dépend de la commande publique, il ne faut pas oublier a contrario que 70% des infrastructures dépendent de la bonne santé des entreprises de travaux publics. Elles garantissent aux habitants un développement harmonieux et durable des territoires.

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Vincent Martin, Président de la Fédération Régionale des Travaux Publics de Bourgogne Franche-Comté ©YQ

Vincent Martin, le président de la puissante fédération régionale des Travaux Publics de Bourgogne Franche-Comté a fait le point le 10 juillet sur la frilosité du bloc communal en matière d’investissements. « C’est une tradition des maires, à mi-mandat, de fixer le démarrage des projets dans le calendrier des prochaines échéances électorales » s’inquiète Vincent Martin.

La profession attend la sortie de projets des communes et communautés de communes. Pourtant, les aides de l’Etat existent et sont mobilisables, qu’il s’agisse de la Dotation d’Equipement des Territoires Ruraux (DETR) ou de la Dotation de Soutien à l’Investissement Local (DSIL). Plus récemment, le Fonds Vert, dispositif inédit pour accélérer la transition écologique dans les territoires, permet à chaque Préfet de département d’en avoir totalement la main. Dans le Doubs par exemple, Jean-François Colombet s’est fortement engagé dans une instruction rapide de ces dossiers. Le Doubs est d’ailleurs le département de France en tête dans le financement des Fonds Verts.

Les collectivités locales disposent d’outils financiers pour investir. Pourtant là encore, les communes et communautés de communes rurales ne connaissent pas toujours ces dispositifs. C’est le cas par exemple de l’Etablissement Public Foncier du Doubs Bourgogne Franche-Comté, présidé par Philippe Alpy, premier édile de Frasne. « Les communes rurales ne connaissent pas suffisamment ce moyen facilitateur de l’investissement, particulièrement dans les petites communes rurales qui ont peu de capacités d’endettement ». À l’inverse, dans les grandes villes comtoises, certains élus s’irritent de la frilosité « comptable » d’un exécutif qui tarde à sortir des grands projets d’aménagement alors qu’il dispose de marges de manœuvre dans ses capacités d’emprunt. Frilosité des uns, stratégie électoraliste des autres, les entreprises de Travaux Publics « piaffent » d’impatience.

De leur côté, les conseils départementaux ont mis en œuvre des accompagnements au bloc communal comme les contrats P@C dans le département du Doubs. Le Jura poursuit activement sa réflexion sur le devenir de l’aéroport de Dole-Tavaux après le retrait « idéologique » du Conseil régional. Après des années d’atermoiements, de renoncements, particulièrement depuis la fusion des deux régions, le contournement de Besançon semble finalement aboutir. Ce sera un ballon d’oxygène pour le développement économique et démographique de tout le centre Franche-Comté et du Haut-Doubs et un chantier d’importance pour les entreprises de travaux publics.

L’or bleu, enjeu majeur aujourd’hui et demain

Particulièrement en Franche-Comté, l’eau est une ressource rare, précieuse et qui se dégrade. Récemment, le Préfet du Doubs avait convoqué élus, administrations et acteurs économiques à faire un premier bilan sur le plan d’amélioration des rivières karstiques. Tous partagent le même diagnostic : les rivières de Franche-Comté souffrent ! Vincent Martin et les entreprises spécialisées dans les canalisations s’inquiètent du mauvais entretien des réseaux. On estime à 20% la part d’eau potable perdue. Pire, la vétusté des canalisations d’assainissement entraîne une pollution des sols et trop de communes rurales ne disposent pas d’équipements adaptés à leur population. Les strates administratives n’arrangent pas les choses, les financeurs étant différents selon les travaux.

On voit par exemple des investissements conséquents en stations d’épuration, stations qui ne sont pas alimentées en eaux usées du fait du mauvais entretien du réseau. L’opération est doublement perdante : les eaux usées se dispersent et polluent les sols et la station d’épuration perd en efficacité. Sur ce sujet ultra-sensible de l’eau, la FRTP et les canalisateurs se mobilisent. Le prochain « Carrefour des Collectivités Locales » qui se tiendra à Besançon le 5 et 6 octobre, fera la part belle à l’innovation de la profession en matière de revêtements d’infrastructures et d’écoulement des eaux pluviales. Les professionnels sont également intervenus auprès des élus locaux lors de « La Journée de l’Eau » qui s’est tenue le 22 mars dernier à Besançon.

Le développement durable, véritable opportunité pour les Travaux Publics

Plus optimiste pour la rentrée, Vincent Martin salue la volonté du gouvernement de relancer les investissements ferroviaires. Les Travaux Publics sont des partenaires essentiels du ferroviaire.

La Voie Verte reliant Ornans à l’Hôpital-du-Grosbois dans le Doubs, est la démonstration de la capacité d’innovation des entreprises de travaux publics dans l’aménagement d’infrastructures cyclables avec une empreinte carbone faible ©Af3v

Les mobilités douces et le verdissement des aménagements disposent de fonds mobilisables rapidement, notamment dans les territoires ruraux. Les entreprises de TP développent un vrai savoir-faire pour construire des voies cyclables avec une empreinte carbone très faible. Elles en ont apporté la démonstration le 2 juin dernier avec l’inauguration de « la voie verte » reliant Ornans à l’Hôpital-du-Grosbois dans la vallée de la Brême.

Recruter et fidéliser les collaborateurs

« Les métiers des travaux publics ne sont plus des métiers aussi pénibles » assure Vincent Martin. Avec 420 apprentis formés en 2023 à l’école des travaux publics de Besançon, « nos métiers proposent un véritable ascenseur social ». Pour accélérer le recrutement, fidéliser les salariés dans la branche et redorer son image, la fédération régionale des TP  a créée en 2022 une commission « Promotion des métiers » pour faire découvrir chaque semaine aux jeunes collégiens et à leurs parents les opportunités de carrières.

Quelques nuages à l’horizon

Les entreprises de TP bénéficiaient d’un allégement fiscal sur le gasoil non routier (GNR), carburant des engins de chantier. Cet allègement devrait être supprimé d’ici 2030. Les coûts vont augmenter d’autant qu’il n’existe aucune alternative satisfaisante ! La loi ZAN (Zéro Artificialisation Nette) n’est pas encore votée. Elle risque de modifier profondément les aménagements en matière d’habitat, de constructions de zones d’activité et des infrastructures que cela implique.

La filière des travaux publics sait innover, expérimenter. Les entreprises entendent bien le démontrer dès la rentrée de septembre à l’ensemble des élus de Bourgogne Franche-Comté au travers de salons et de rencontres.

Yves Quemeneur

+ d’infos

La FRTP BFC rencontrera l’association des maires de Haute-Saône et les élus locaux le 21 septembre à Vesoul. Une « conférence de l’investissement » aura lieu à l’automne à la Préfecture de région. Le « Carrefour des Collectivités Locales » aura lieu les 5 et 6 octobre à Besançon. La FRTP sera fortement présente au salon des Maires de Côte d’Or qui se tiendra à Dijon les 14 et 15 décembre 2023.