La création en 2021 des Pôles régionaux Environnement (PRE) a permis une augmentation significative des procédures pour lutter contre les infractions au code de l’environnement. Une justice plus efficace pour condamner les responsables des pollutions. « Face à des textes trop complexes et des magistrats du Parquet peu formés aux infractions en matière d’environnement, on assistait à une dépénalisation rampante et trop souvent à l’absence de condamnations » constate Etienne Manteaux. « La création de ces pôles environnement dédiés accompagnés de nouveaux moyens humains et législatifs ont permis de rééquilibrer le débat contradictoire sur un dossier sensible de préservation de l’environnement ».
447 procédures engagées en 2023
Dans le ressort de la Cour d’Appel de Besançon, ce service dédié a démontré sa réactivité et son utilité. En 2020, le Parquet de Besançon enregistrait environ 200 procédures. Trois ans plus tard, ce chiffre a plus que doublé avec 447 procédures engagées sur l’année passée. Avec des avocats souvent très spécialisés, les contrevenants au code de l’environnement ont désormais face à eux des magistrats formés et surtout des audiences correctionnelles dédiées, présidées par un juge sensible et formé à la question.
Des compositions pénales qui sont passées de 200€ à 2 000€
Les enquêtes avancent plus vite, l’office français de la biodiversité (OFB) fournit de meilleures informations depuis la création « d’inspecteurs de l’environnement » qui ont la compétence d’agents de police judiciaire. Cette réactivité a permis de développer les « compositions pénales ». Ce sont des alternatives aux poursuites, proposées par un délégué du procureur. Il n’y a pas de « petites atteintes » à l’environnement. Toutefois, précise le Procureur, « il s’agit souvent d’arrachages de haies pour agrandir les surfaces cultivables mais qui nuisent fortement à la faune qui niche dans ces haies ». La sanction est immédiate. « A la peine d’amende, s’ajoute la nécessaire remise en état dont le coût peut atteindre de 2 000 à 5 000€ » selon Claire Keller.
Une convention Judiciaire d’Intérêt Public (CJIP)
Cette procédure particulière est également une alternative aux poursuites devant le Tribunal Correctionnel. « Les entreprises concernées ne souhaitent pas forcément une mauvaise publicité d’une audience publique et s’engagent à modifier leurs pratiques et investir pour se mettre en conformité » souligne Etienne Manteaux. En 2022, deux laiteries du Doubs ont été condamnées par le tribunal correctionnel de Besançon pour des atteintes importantes à la qualité des rivières. En 2023, quatre CJIP ont été validées. Elles concernaient la Mairie de Besançon pour le zoo de la Citadelle (7 500€ d’amende), la fromagerie du groupe Lactalis à Vercel pour une unité d’épuration ne correspondant plus au tonnage de lait traité (100 000€ d’amende et remise aux normes), le site du groupe Plastivaloire à Morteau pour des métaux lourds rejetés dans les rivières (80 000€ d’amende et des dommages et Intérêts aux associations) et enfin SNCF Réseaux pour un curage de fossés sur les emprises de voies ferrées sur la commune de Dampierre sur Doubs et la disparition de zones humides.
D’autres n’ont pas eu la possibilité de régler ça à l’amiable : en juin 2022, la fromagerie Mulin & fils installée à Noironte a fait l’objet d’une procédure de consignation de la préfecture pour un montant d’1,5 million d’euros lié à un constat récurrent de pollution. Elle reste la seule fromagerie à ne pas avoir présenté une régularisation de ses installations et sera jugée le 29 mars 2024, lors d’une audience spéciale. L’entreprise est allée jusqu’à engager des poursuites contre l’État en contestant l’arrêté préfectoral.
En 2024, la nouvelle station d’épuration de Métabief, gérée par la communauté de communes des Lacs et Montagnes du Haut-Doubs, devrait être opérationnelle. Des travaux engagés après une amende pour pollution, tombée le 13 décembre 2023. 150 000 € pour des rejets d’eaux non traitées à cause d’une panne de la station, au moment de fortes pluies, provoquant une surcharge hydraulique. Claire Keller souligne que « à la peine d’amende, le contrevenant a l’obligation de la remise en état initial de 6 mois pour les compositions pénales et jusqu’à 3 ans pour les conventions judiciaires ».
De quoi rassurer sur les moyens supplémentaires octroyés aux magistrats pour rendre une justice plus rapide et plus efficace.
Encadré
Les atteintes à l’environnement, c’est aussi la pollution du quotidien. En particulier, les déchets de travaux parfois laissés dans la clairière d’une forêt par des artisans peu scrupuleux ou des particuliers bricoleurs qui ne prennent pas le temps d’aller à la déchetterie. Grâce au déport en gendarmerie des caméras de vidéo-surveillance de certaines communes, les forces de l’ordre peuvent interpeller ces « délinquants du quotidien ».
Une meilleure solution consisterait, selon les représentants des professionnels du bâtiment, à rendre gratuit le dépôt des déchets en écocentres pour les professionnels comme c’est le cas pour les particuliers. Et ainsi, être plus coercitifs vis-à-vis des entreprises. La lutte contre les pollutions ne concerne pas que les grands groupes et autres multinationales, elle concerne également et en premier lieu les atteintes à notre environnement du quotidien…y compris les papiers gras et autres mégots de cigarettes.