Bourgogne Franche-Comté, des territoires fragiles

La Région Bourgogne Franche-Comté et l’INSEE se sont associés pour produire un document thématique relevant les principaux enjeux du territoire régional. Le but de l’étude est de mesurer les fragilités territoires par territoires au travers des 113 intercommunalités de la région.

819
La fragilité des territoires en Bourgogne Franche-Comté - document INSEE
Les enjeux sont multiples et diversifiés selon les territoires

Evolution démographique, transitions écologiques, mobilités, fractures sociales : autant de facteurs qui touchent les territoires différemment. Le document compare les 113 collectivités entre elles et non par rapport à la France ou à des régions d’Europe. Le but est de mieux comprendre les dynamiques de chaque territoire pour établir les priorités en termes d’actions publiques.

24 fiches de travail autour de 4 grandes thématiques

Démographie, population active, emploi et conditions de vie, chaque fiche donne un aperçu rapide de chaque intercommunalité par critère et précise ses fragilités actuelles et potentielles. A côté des décideurs publics, le document est un outil de réflexion dans les prises de décisions des acteurs économiques.

Démographie

La décroissance démographique a des conséquences en matière de consommation locale, de logements et donc d’attractivité. L’évolution de la population a également des impacts sur la localisation des jeunes et de leur niveau de diplômes.

Avec 2 785 400 habitants, la population de Bourgogne Franche-Comté diminue régulièrement depuis 2015. Le déficit du solde naturel (naissances/décès) est l’un des plus importants de France et n’est pas compensé par le solde migratoire (arrivées/départs de la région). Le vieillissement de la population est plus important qu’au niveau national (en 2018, pour 100 personnes âgées de moins de 20 ans, 100 sont âgées de plus de 65 ans contre 80 en moyenne nationale).

La Bourgogne Franche-Comté traversée par « la diagonale du vide »

L’ouest de la région cumule faible densité de population (11 habitants/km² dans le Châtillonnais) et décroissance démographique. Certaines intercommunalités touchées par le déclin industriel perdent de la population (-1,3% dans le Haut-Jura Saint Claude, la plus forte baisse de toute la région).

Rien n’est perdu ! La population progresse dans 50 intercommunalités. Les territoires autour de Besançon et Dijon sont les plus dynamiques, comme la zone frontalière dont la croissance démographique tient aux emplois suisses. C’est dans ce secteur que la poussée démographique est la plus forte (+ 2,1%/an).

Les territoires dynamiques attirent les populations actives mieux formées. Les entreprises s’installent plus facilement sur des sites où les emplois sont qualifiés. On retrouve à nouveau « le couloir du vide » entre le Nord de la Haute-Saône et la Bresse Louhannaise.

La population en âge de travailler

Le nombre de personnes âgées de 15 à 64 ans diminue au plan national. Le phénomène est amplifié en Bourgogne Franche-Comté où le nombre d’individus en âge de travailler décline depuis 2011 quand celui des 65 ans et plus progresse. Baby-boomers à la retraite, baisse de la natalité et allongement de la durée des études ne favorisent pas la progression des personnes en âge de travailler.

Dans certains territoires de la région, la question du renouvellement des générations d’actifs se pose. Le départ des jeunes pour suivre des études supérieures est en progression. C’est un facteur de fragilité pour la région. Par exemple, l’université de Franche-Comté peine à conserver ses étudiants au-delà de la licence (BAC+3). Les territoires qui perdent des jeunes actifs ne sont pas systématiquement ruraux : la dorsale qui va de Belfort à Mâcon en passant par Besançon et Dijon, voit le nombre de jeunes actifs diminuer alors que le nombre global d’actifs augmente.

L’emploi

Les territoires les plus vulnérables cumulent déclin de l’emploi et de la population. En 2018, la Bourgogne Franche-Comté comptabilisait 1,1 million d’emplois au lieu de travail. Il a baissé de 0,5% par an depuis une décennie.

60% des emplois sont liés aux activités de proximité, répondant aux besoins courants de la population. Ces emplois sont relativement protégés et non soumis à la concurrence étrangère. Mais ils n’existent et se développent aussi grâce aux entreprises qui interviennent sur les marchés concurrentiels. Elles ne représentent que 20% des emplois de la région, d’où l’importance de réindustrialiser la région.

Conditions de vie

Dernier item de l’étude de l’INSEE et du Conseil Régional : la fragilité des territoires sous l’angle des conditions de vie. Ils sont d’autant plus fragiles quand les taux de pauvreté ou le niveau de vie sont les plus bas, les disparités de revenu les plus fortes ou la part des revenus de substitution (prestations et allocations) la plus élevée.

En Bourgogne Franche-Comté, le niveau de vie médian annuel s’élève à 21 640€ en 2019, assez proche de la moyenne nationale (le niveau de vie médian correspond à 50% des revenus au-dessus de ce niveau et 50% en dessous). Plus un territoire est éloigné des équipements et services de base, plus il est fragile.

Les 10% des habitants de la région les plus riches ont un niveau de vie 3 fois supérieur aux 10% les plus pauvres, ratio moindre qu’au niveau national (3,4).

La proportion de retraités étant importante dans l’ensemble de la région, la part de revenu liée aux retraites est plus élevée que dans la moyenne nationale. Les autres revenue proviennent de l’emploi, du patrimoine et des aides sociales. Plus la part des aides sociales est importante, plus le territoire est fragile.

Cette étude exhaustive est à la fois un outil très utile pour les décideurs économiques dans le choix des investissements d’implantation d’activités. Il est aussi indispensable pour les décideurs politiques. On peut se poser la question : est-il plus utile de construire des logements sociaux pour des habitants avec des emplois précaires ou pas d’emploi du tout ou d’orienter les investissements publics vers plus d’attractivité économique, créatrice d’emplois ? Plus d’emplois industriels, c’est plus de contributions fiscales et sociales, plus d’emplois de services et de commerce et moins de dépenses à caractère social…un cercle vertueux !

Yves Quemeneur