Bourgogne Franche-Comté. Des rencontres pour une forêt durable

Grand Besançon Métropole a organisé le vendredi 15 novembre à la Maison de l’Economie à Besançon une rencontre sur la forêt. Elle a permis de réunir toute une journée une large communauté d’acteurs pour réfléchir à la sauvegarde de ce marqueur essentiel du massif jurassien franco-suisse.

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préserver et embellir les 1615 hectares de la forêt de Chailluz ©DR
La santé des forêts en question

Leur avenir reste à garantir. La sylviculture doit s’adapter aux enjeux climatiques, à la fois en terme de pratiques d’exploitation, de nouvelles essences mieux adaptées au réchauffement climatique. Cette journée a été le coup d’envoi d’une nouvelle démarche pour mieux mobiliser la recherche, assurer la formation des professionnels de la filière et des acteurs publics et privés. Le but est enfin d’expérimenter de nouvelles façons de gérer durablement la forêt.

Garantir la bonne santé des forêts répond aussi à assurer ses fonctions écologiques, sociales, culturelles et économiques sur l’ensemble de l’Arc jurassien.

1,77 million d’hectares de forêts en Bourgogne Franche-Comté

C’est la 5ème région forestière de France. Fonction économique importante, la filière sylvicole emploie en France 285 000 personnes et génère 50 milliards de chiffre d’affaires. Le maintien de la biodiversité, la gestion raisonnée des essences est donc aussi un impératif économique et une ressource parfois importante pour les communes forestières.

La surface boisée de Besançon couvre 2040 ha, dont 1615 ha pour la seule forêt de Chailluz.

L’arbre, c’est le temps long

L’institut fédéral suisse de recherches WSL, étudie la forêt, le paysage, la biodiversité, les dangers naturels ainsi que la neige et la glace. Valentin Queloz et Yann Vitasse ont tenté avec beaucoup de pédagogie de démontrer l’importance d’une gestion proactive de la forêt pour éviter son dépérissement, assurer la transition graduelle de la forêt et planter des essences adaptées aux nouvelles températures. Les deux scientifiques ont porté un regard croisé sur la problématique de la forêt des deux côtés de la frontière.

Chailluz : renouveler 200 ha en 40 ans

Du résineux au feuillu, la forêt de Chailluz va se transformer en profondeur. Les deux scientifiques suisses le confirment « nous devons anticiper pour ne pas subir ». Mais comme le souligne un professionnel de la filière bois, « il ne faut pas répondre à la mode… De nombreuses plantations d’acacia ou de robinier (le faux acacia) peuvent remplacer les résineux en plaine. C’est un bois très solide adapté à l’extérieur, il pousse rapidement (2 mètres en un an contre 30 cm en 5 ans pour un pin et 1 m en 5 ans pour le chêne) mais il est facilement inflammable ».

La question ne porte pas tant sur la nécessité de remplacer les essences. Qui peut prétendre à coup sûr que les nouvelles plantations de 2022 seront adaptées au climat de 2085 ?

Réchauffement de l’atmosphère et sécheresse des sols  

La température annuelle globale de l’Hémisphère Nord a augmenté de plus de 2° depuis 1850. Sur un temps beaucoup plus long, les écarts de température sont moins significatifs : réchauffement dans l’Antiquité ou « petit âge glaciaire » entre la Renaissance et le XIXe siècle.

Les arbres répondent mal à la sécheresse des sols. Les racines absorbent l’humidité des sols pour alimenter l’arbre et permettre l’évaporation par les feuilles. La sécheresse peut provoquer la cavitation des artères, affaiblissant les arbres. Cumulée à l’asséchement des sols, les phénomènes de canicule augmentent le dépérissement de la forêt, la rendant plus vulnérable aux pathogènes et ravageurs (scolytes ou suie de l’érable par exemple).

Les perdants et les gagnants

Pour les deux scientifiques du WSL, le calendrier est irréversible. Les grands perdants seront l’épicéa, le hêtre et le pin sylvestre. Chêne, charme, érable champêtre, aulne, châtaignier ou robinier seront les gagnants du réchauffement climatique.

Ce que pourrait être la forêt de demain selon l’Intelligence Artificielle ©WSL

Ils préconisent, des deux côtés de la frontière, 5 actions pour faire face au dérèglement climatique :

  1. Stopper les cultures qui ne fonctionnent plus dans nos régions (par exemple la monoculture d’épicéa en plaine
  2. Répartir les risques et les diminuer en mélangeant aux mieux les essences et augmenter la diversité structurelle ;
  3. Reproduire les exemples qui fonctionnent bien aujourd’hui ;
  4. Tester de manière scientifique de nouvelles essences et provenances ;
  5. Analyser et communiquer sur les essais positifs de plantations locaux et régionaux.

On peut regretter une journée « d’entre-soi » où tous les acteurs partageaient les mêmes certitudes. La nature est plus complexe !

Yves Quemeneur