Cédric Hertzog, climatologue à Météo France

Nul ne peut ignorer ou même nier aujourd’hui que le climat change avec des conséquences bien visibles. Le scientifique fait le point sur la multiplication de phénomènes extrêmes sans pour autant être alarmiste. Sa devise : la vie est (quand même) belle !

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Le scénario pour cet été, probable à 50%, ces ont des mois de juillet, août et septembre plus chauds et plus secs que la normale. Mais attention, ceci n’exclut pas des périodes plus fraîches y compris parfois plusieurs jours consécutifs de pluie.

Parlez-nous de notre climat actuel ?

Le climat de notre région est océanique tempéré. Plus à l’Est on parle de climat continental mais il convient aussi d’évoquer la particularité des zones au-dessus de 800 mètres d’altitude où l’on parle alors de climat de montagne. Pour résumer, dans le Doubs notamment, on peut dire qu’il fait froid l’hiver et chaud l’été.

 

Très chaud même comme en juin dernier ?

On parle là d’un épisode particulier. Un pic de chaleur. Le terme canicule est utilisé quand la situation perdure avec des températures élevées le jour comme la nuit durant trois jours. En juin, nous avons subi une remontée d’air chaud venu d’Afrique du Nord avec des températures remarquables. Des records absolus, jamais enregistrés depuis le début des mesures, ont été enregistrés. On n’avait jamais connu une telle chaleur et c’est d’autant plus étonnant au mois de juin.

 

Ce n’était pourtant pas une première ?

La France a déjà connu un tel phénomène en 1976. Puis il y a eu le tournant de l’année 2003 avec une période intense et marquée par une forte surmortalité. C’est là qu’une prise de conscience a eu lieu et que Météo France a mis en place la vigilance canicule comme pour tous les événements dangereux. On connaissait cela en période de grand froid, depuis cette date, c’est en place en cas de fortes chaleurs.

 

Comment se matérialise le changement climatique ?

Globalement, le changement climatique entraine des sécheresses et des canicules de plus en plus intenses donc avec des températures toujours plus élevées.  On assiste également à un allongement des périodes à risque. Concrètement, ce n’est plus seulement en juillet et août mais on a aussi des épisodes précoces ou tardifs, parfois en mai et juin ou en septembre. Difficile de savoir jusqu’où montera le thermomètre mais il est clair que 40° en journée et 25° la nuit ne seront plus exceptionnels. Les extrêmes vont être de plus en extrêmes autant dans les excès de chaleur que dans le manque de précipitations.

 

Vers quel type de climat allons-nous ?

On va vers un climat de type méditerranéen. Pour prendre un exemple très parlant, nous avons aujourd’hui les moyennes de températures que connaissait Lyon il y a un demi-siècle. Le changement est encore plus important dans les zones montagneuses qui étaient habituées à être enneigées en hiver. Avec aujourd’hui moins de neige, le sol emmagasine plus d’énergie solaire donc ces secteurs se réchauffent encore plus que les autres.

 

Avec quelles conséquences sur le vivant ?

Elles sont nombreuses tant pour la faune que pour la flore donc pour l’environnement en général. On peut citer l’exemple des forêts qui souffrent du déficit de précipitations. Celui-ci entraine l’évolution des parasites qui les mettent en péril. L’impact est également important sur nos propres vies… l’humain doit lui aussi s’adapter. A l’avenir il sera peut-être nécessaire d’adapter nos journées de travail pour échapper aux heures les plus chaudes. Les examens seront peut-être difficiles à maintenir au mois de juin…

 

Est-ce irréversible ?

A l’échelle de nos propres vies à vous et à moi oui ! On peut certes s’adapter en installant une climatisation par exemple mais on augmente alors la consommation d’énergie fossile. Alors, on peut aussi essayer d’atténuer le changement climatique en limitant l’émission de gaz à effet de serre. En 2020 par exemple, le pays était confiné et a nettement réduit sa consommation de gaz, d’essence et de charbon. Mais on ne peut évidemment pas toujours vivre comme cette année-là. Alors, dans l’idéal, il faudrait comme dans la fable du colibri que chacun fasse un petit effort à son niveau. Chacun doit s’interroger : peut-on continuer à manger des tomates en janvier ? Et doit-on effectuer tous nos déplacements, même les plus courts, en voiture ?