Christophe Chambon, président de la FRSEA

Le responsable de la Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles, désormais secrétaire général adjoint au niveau national, fait le point sur les dossiers qui inquiètent la profession.

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(Photo FRSEA)

Les fonds européens cristallisent votre colère. Pourquoi ?

Ces fonds existent depuis la mise en place de la politique agricole commune. Ils étaient à l’origine gérés par l’Etat, par les directions départementales des territoires. Quand un exploitant avait un projet de bâtiment agricole par exemple, il déposait un dossier de demande d’aide FEADER et s’il était éligible, l’accord puis la subvention étaient notifiés dans les trois mois pour qu’il puisse débuter les travaux.

Mais la loi Notre (nouvelle organisation territoriale de la République) est venu remettre cette organisation en cause. Il y a alors eu une volonté des régions de mettre la main sur ces fonds et ceux d’aides à l’installation. Depuis deux ans, nous avons donc mené un travail en amont pour que tout se passe bien…

 

Tout ne s’est donc pas passé comme espéré ?

La Région Bourgogne Franche-Comté a souhaité centraliser ces dossiers à Besançon et à Dijon plutôt que de continuer un traitement dans chaque département. Pour continuer à s’en occuper, les agents des DDT devaient donc suivre mais beaucoup ont refusé ces mobilités imposées. Le recrutement n’a pas permis de combler ce manque et il y a donc eu un manque de personnes qualifiées pour traiter les demandes ! Aujourd’hui, les dotations jeunes agriculteurs ont elles aussi beaucoup de retard. La plupart attendent cet argent qui faisait partie de leur plan d’installation.

 

Quels problèmes entrainent ces retards ?

Les porteurs de projets se trouvent face à des soucis de trésorerie avec ces dossiers en attente. Ils doivent donc décaler des prêts bancaires et cela a un coût. Un fond de solidarité a donc été créé pour compenser et permettre de ne pas avoir à reconduire dans le temps ces prêts à court terme.

On espère que ce fond sera laissé en place et très vite rattraper le retard sur le traitement des dossiers. Pour cela, nous avons proposé un conventionnement avec les chambres d’agriculture afin que celles-ci mettent à disposition leurs techniciens pour analyser les demandes et donc débloquer la situation.

 

Ces fonds européens ne sont pas importants que pour les agriculteurs ?

Il concerne en effet le développement économique de tous les territoires ruraux. C’est tout le tissu artisanal et les entreprises locales qui sont souvent parties prenantes sur les chantiers des agriculteurs. Des sociétés se retrouvent aujourd’hui totalement bloquées et même en danger alors que leurs devis ont été acceptés par leurs clients agriculteurs mais que les travaux ne peuvent pas débuter faute de notification de la subvention !

 

On marche sur la tête…que pensez-vous de ce slogan utilisé récemment par les JA ?

Plus de 10000 communes ont en effet eu leur panneau retourné symboliquement lors de cette action qui avait un but : faire connaitre l’exaspération des agriculteurs face aux normes administratives. C’est une pression insupportable d’autant que cette pression n’existe qu’en France alors qu’on nous laisse respirer ! On a noté un vrai soutien des communes avec souvent les mêmes contraintes. Nous avons des intérêts communs dans cette mobilisation car nous sommes aussi des acteurs de l’aménagement du territoire, du développement économique et de l’attractivité touristique. Sans agriculteurs, les villages pourraient devenir de véritables friches.

 

Peut-on aujourd’hui parler de concurrence déloyale par rapport aux autres pays ?

Absolument. On nous demande de produire de façon vertueuse en respectant des normes sanitaires et environnementales drastiques. C’est louable mais pour que nous soyons compétitifs, il faut que les règles du jeu soient les mêmes pour tous sinon nous ne pouvons pas nous aligner en termes de coûts de production. Pour faire face, nous n’avons pas la possibilité de délocaliser donc il faut trouver d’autres solutions.

 

La loi Egalim en est-elle une ?

Cette loi vise adoptée en octobre 2021 vise en effet à protéger la rémunération des agriculteurs. Il faut maintenant bien l’appliquer et sanctionner les intermédiaires et la grande distribution en cas de non-respect. Les agriculteurs doivent pouvoir vivre de leur travail or aujourd’hui le compte n’y est pas même si dans des zones comme l’AOP Comté nous avons la chance d’avoir une filière efficace qui a su se structurer. Mais tous les territoires de la région ne sont pas logés à la même enseigne.

 

Une proposition de loi vise à éviter les conflits de voisinage entre habitants et agriculteurs dans les villages. Qu’en pensez-vous ?

Nous l’avons forcément bien accueillie car elle a d’abord été portée par la profession avant d’être relayée par les parlementaires. Le premier vote a été favorable, espérons qu’elle aille au bout. Ce texte répond aux attentes des agriculteurs et des maires ruraux. Quand on choisit un cadre de vie rural, on doit accepter la tranquillité, les beaux paysages mais aussi le quotidien, y compris la présence de fermes qui font partie du patrimoine. Le vivre ensemble passe par une reconnaissance de notre place dans ces territoires.