David Lisnard, maire de Cannes, a été réélu à la tête de l'AMF. Photo DR / AMF Aurélien Faidy

« Communes attaquées, République menacée ». C’est à l’aide de ces deux thèmes que l’association des maires de France (AMF) a ouvert son 105e congrès du lundi 20 au jeudi 23 novembre en présence de centaines d’élus locaux. Un enjeu devenu de plus en plus pressant et confirmé par une étude du centre de recherche de politiques de Sciences Po (CEVIPOF), pilotée par Martial Foucault dont le diagnostic se nomme « maires engagés, mais empêchés ». À l’intérieur, deux axes ouvrent le compte-rendu. Le premier, porte sur les violences en hausse contre les élus : « selon les données du ministère de l’Intérieur, les agressions contre les élus, essentiellement les maires, ont augmenté́ de 32 % entre 2021 et 2022 (soit 2265 plaintes et signalements). Les premières indications pour l’année 2023 suggèrent de nouveau une hausse de 15 % des violences envers les élus locaux. », souligne le rapport.

Le Doubs n’est pas épargné par cette recrudescence. En 2019 puis 2021, le maire de Roche-lez-Baupré Jacques Krieger est victime de deux agressions après avoir tenté de s’interposer par deux fois face à des personnes commettant des délits. En 2021 toujours, à Recologne, le premier édile Roland Morales dépose ses petits-enfants à l’école quand un automobiliste déboule à toute vitesse. « Je me suis alors planté au milieu de la route, et j’ai attendu. Il m’a frôlé avec sa voiture sans ralentir, et mon coude a touché son rétroviseur », raconte-t-il à l’époque. L’homme descend alors immédiatement de sa voiture pour ramasser son rétroviseur au sol. « Il m’insulte, me menace, et me met un coup-de-poing au visage », retrace l’élu. En retour, les deux élus ont suivi une formation aux côtés de gendarmes et membres du GIGN, comme des milliers d’autres maires en France. Jacques Krieger reçoit également, un an plus tard, la médaille du chevalier de l’ordre du mérite « pour sa participation à la commission de travail créée suite aux nombreuses incivilités et agressions commises sur les maire ». Une manière symbolique pour le gouvernement de montrer qu’il se tient aux côtés de ses élus locaux. Cette formation et la création de « référents suretés », suscitent encore du côté des maires de nombreuses insatisfactions, note le rapport du CEVIPOF.

David Lisnard a été réélu à la tête de l’AMF. Photo DR / AMF Aurélien Faidy

Sur le terrain, les élus attendent plus de concret. Depuis 2020, 1300 maires en France auraient démissionné tout comme quelques milliers de conseillers municipaux. Pour Carole Vincent, directrice de l’association des maires du Doubs, la « tendance de la société à accepter de moins en moins les contraintes et les règles édictées » mènerait à ce climat anxiogène. « Le covid est simplement venu exacerber ce sentiment, qui était déjà présent, mais tout de même moins prononcé », assurait l’intéressée, dans une interview réalisée en 2022. Au congrès des maires de 20 novembre 2023 , Benoît Vuillemin, premier édile de Saône, partage ce sentiment : « on est la première baffe. Dès le début de mon mandat, nous avons eu quelques problèmes. Ils sont réglés aujourd’hui », confie l’élu qui estime que cette colère contre le maire d’une commune est aussi liée au manque des moyens attribués à celui-ci. Nombreux sont les élus à partager cette vision.

Décideur de rien, responsable de tout

« Aujourd’hui dans la grande majorité, un habitant connaît le nom du Président et le nom de son maire, c’est tout. La hausse de cette violence vient aussi des problèmes du quotidien pour lesquels le premier édile est tenu responsable alors qu’il ne peut rien faire. Les mobilités, la voirie, etc. Nous sommes sous la tutelle d’un trop grand nombre d’administrations qui polluent la vie politique. Tant que nous n’aurons pas entamé cette grande réforme des collectivités, nous ne pourrons pas restituer l’autorité de l’État sur le terrain. Les français n’y comprennent plus rien et ce sont les maires qui en payent le prix ».

Un discours d’abord tenu par le gouvernement et Emmanuel Macron lui-même qui dès 2016, pointait clairement du doigt les départements dans son livre « Révolution ». Sept années ont passé et le député Éric Woerth s’est récemment vu confier une mission de réflexion pour sortir de ce « mille-feuille territorial ».

Sébastien Populaire ( à gauche) maire du Touillon-et-Loutelet dans le Haut-Doubs, a été réélu au comité directeur de l’AMF.

En clair, décentraliser plus efficacement pour permettre aux acteurs locaux d’agir plus vite. Un thème de campagne d’un autre homme, réélu à la tête de l’association des maires de France : David Lisnard. Le premier édile de Cannes prépare activement une campagne présidentielle qui ne dit pour l’instant pas son nom. Dans le Haut-Doubs, Sébastien Populaire, maire du Touillon-et-Loutelet, s’affiche comme son premier soutien et référent du mouvement « Nouvelle Energie ». Réélu au comité directeur de l’AMF, il estime que les maires des petites ruralités ont également besoin d’autre chose. « On sent une société plus tendue, individualiste aussi. Ça se traduit parfois par une vision consumériste de la mairie. Pour autant tout ne peut pas être réglé par des statistiques et des chiffres.  L’exemple de la suppression de nos moyens d’actions, c’est la taxe d’habitation. Oui nous sommes heureux quand nos habitants et entreprises paient moins d’impôts, on veut que les économies soient faites sur les impôts nationaux pour que l’on garde une marge de manœuvre. Les seuls à qui nous devons des comptes, ce sont nos habitants. Le Département présente un rôle local connu, contrairement à la Région par exemple. L’idée d’une collectivité territoriale à cheval entre ces deux entités est une idée intéressante. »

M.S & C.P