« Si Océane avait reçu tout ce soutien, elle serait heureuse ». C’est par ces mots que Sandra, la maman d’Océane Bourdin, résume le déferlement médiatique autour de sa famille.

Lundi 29 août en rentrant du travail, son mari Yvan Bourdin allume sa télévision. Une routine pour se vider la tête après une journée où le chef d’entreprise court partout. Il découvre l’histoire de ce médecin agressé à Mulhouse par une arme factice, la veille. L’agresseur est condamné à 5 ans de prison, 24h après les faits. Dans sa tête, Yvan Bourdin fulmine. Trois mois plus tôt, le 4 juin 2022, sa fille Océane, 21 ans, s’est donnée la mort en avalant « près de 50 médicaments » selon sa maman. Alors le père de famille prend son téléphone, enregistre une note où il raconte l’injustice subie par sa fille. Un coup de gueule qu’il partage sur un groupe Facebook avant d’être repris sur Twitter et d’autres réseaux sociaux. L’affaire éclate au grand jour, les réseaux sociaux explosent, Océane Bourdin devient l’étendard d’une lutte sociétale.

Un viol, précédé d’un autre et d’une agression sexuelle

L’histoire de cette jeune fille originaire de Valdahon est glaciale. Le soir du drame, les parents d’Océane se trouvent chez des amis. Sa petite sœur de 14 ans, découvre son corps inanimé avec un mot « je suis morte depuis le 10 février, vous n’auriez rien pu faire pour moi ».

Le 10 février, c’est le jour où Océane affirme avoir été violée dans son appartement à Beaune (21) par « son meilleur ami durant ses études », glisse Yvan Bourdin en montrant la plainte déposée le 16 mai 2022. « Elle nous a raconté cette histoire deux semaines plus tard. Nous lui disions d’aller directement voir la police mais elle était totalement détruite. En arrivant à Beaune pour ses études de sommelière les premières semaines elle nous disait « je ne peux pas rêver d’une meilleure vie. » et ensuite ce fut l’enfer car avant cette affaire, il y en a eu deux autres. », poursuit le père.

Les flashbacks des jours suivant

Deux précédentes plaintes, l’une pour viol en 2018 et l’autre pour agression sexuelle. « Mais elle s’en était remis, je vous assure que ces deux affaires ne sont pas la cause de son suicide », affirme Yvan Bourdin. Dans sa plainte du 16 mai 2022 « la dernière et pire de toutes », la jeune femme explique qu’au cours d’une soirée organisée dans le cadre de ses études, une dispute éclate entre amies. En colère, Océane veut se vider la tête et boit, un peu trop. Elle décide de rentrer, se fait raccompagner par ce soi-disant « meilleur ami ». Sur le chemin du retour, le duo s’arrête pour s’acheter de la cocaïne. Une première pour l’étudiante valdahonnaise. Finalement ils repassent boire un dernier verre au bar avant de définitivement rentrer à son appartement. L’heure tourne, les deux « amis » consomment de l’alcool en sniffant des rails, appellent l’autre sœur d’Océane, parlent d’un projet de co-location, rigolent. L’individu tente alors à deux reprises d’embrasser la jeune femme. Elle le repousse.

Océane se souvient s’être glissée dans son lit en pyjama, avant un blackout total. Des flashs reviennent les jours suivant. L’homme se serait alors collé à elle avant de la pénétrer digitalement de manière très violente. Sa tête est éveillée, son corps ne répond plus. « Elle a été droguée, nous en sommes certains, elle le pensait aussi », poursuit Yvan Bourdin.

« Le pessimisme du policer l’a achevée »  

Face à elle, le policier l’avertit : ce type de drogue reste très peu de temps dans le corps et trois mois après les faits, sans preuve(s) concrète(s), ce sera parole contre parole. Reste la possibilité de retrouver une trace grâce à un prélèvement de cheveux : entre temps, Océane a fait une couleur. « Le policier était pessimiste quant au résultat, ça a totalement achevé notre fille et les résultats des précédentes affaires ne l’ont pas aidée, c’est sûr. » L’étudiante veut s’en sortir, être accompagnée. « Elle avait une séance de psy hebdomadaire, ce n’était pas assez pour elle, son médecin lui a prescrit des neuroleptiques, elle a été internée pendant plusieurs semaines… rien n’a fonctionné, ce n’était plus la même. »

Les collages se sont intensifiés à Besançon. Photo Instagram Nous.toutes25

Une colère contre la machine judiciaire à l’arrêt

Yvan Bourdin raconte toute cette histoire dans son coup de gueule numérique. Non pas pour étaler sa vie privée mais pour « faire bouger les choses. Depuis 6 mois rien n’a avancé et maintenant que la presse a médiatisé l’affaire, comme par hasard les résultats du labo pour le prélèvement capillaire sont arrivés ! Il n’y a rien et le procureur explique qu’il envoie le dossier au parquet de Dijon parce que les faits se sont passés à Beaune mais ça fait depuis mai 2022 qu’on le sait ! » Sa maman Sandra ne décolère pas. « Ils avaient tout dès le début, le nom de cet homme, l’adresse, pourquoi les policiers n’ont-ils pas auditionné le mis en cause dans les jours suivant la plainte, avec une saisie du téléphone ? J’ai l’impression d’être dans un film depuis ce drame, je ne sais pas quand ça va s’arrêter. »

« Sans médiatisation, on serait encore en train d’attendre »

La conférence de presse organisée par le procureur de Besançon a aussi mis en lumière les deux précédentes affaires. « On a appris que la première avait été classée sans suite sans jamais qu’aucun gendarme ne nous prévienne avant, c’est dingue. » La seconde plainte d’Océane Bourdin datait de janvier 2022, contre son employeur de l’époque qui aurait tenté de l’agresser sexuellement. L’enquête est toujours en cours.

« Si la justice avait écouté Océane, avait agi, elle serait encore avec nous. Quand je vois tout le soutien depuis une semaine, je sais qu’elle aurait adoré », poursuit Sandra. « Sans médiatisation, nous serions encore en train d’attendre », s’énerve Yvan. La presse française s’est emparée de l’affaire, comme les associations féministes. L’antenne départementale de Nous.toutes25 n’avait jamais eu autant d’impact sur les réseaux sociaux avant l’histoire d’Océane. Les messages pleuvent sur la boite mail d’Yvan. Du soutien, de la colère aussi.

Sur les réseaux sociaux, Yvan Bourdin a publié son projet de loi.

Une rencontre entre le procureur et la famille prévue

Ce mercredi 7 septembre, le couple a décliné l’invitation de Cyril Hanouna pour l’émission « Touche Pas à mon Poste », pour éviter que « ça parte dans tous les sens mais aussi parce que nous sommes usés. Des élus m’ont contacté, le procureur de Besançon a accepté de nous recevoir, enfin. » A Besançon, des collages apparaissent un peu partout : #JusticepourOcéane, « Les victimes de viols sont toutes des Océane. » Malgré l’ampleur du soutien, le vide ne sera jamais comblé pour la famille.

En juin deux jours avant la disparition d’Océane, Yvan et Sandra devenaient grands-parents. « J’avais une fille à la maternité, l’autre à la morgue. Quand je vois le nombre de témoignages de femmes ou de proches de victimes ayant subi la même chose, je me dis que ce combat pour Océane doit servir à d’autres. », poursuit le père.

Alors Yvan fait ce qu’il sait faire : il a repris son téléphone, pour gribouiller un projet de loi « Océane » avant de le partager sur son compte Facebook. Le sénateur Jacques Grosperrin a promis de l’aider. « Faire passer des lois c’est bien beau, encore faut-il vérifier qu’elles soient appliquées ».

M.S