Angèle Niclas est récompensée par la Fondation L'Oréal - Unesco pour ses travaux de recherche sur les problèmes inverses. Credit photo Jean-Charles Caslot

En déposant son dossier au mois de février pour le concours Jeunes Talents de la fondation L’Oréal – UNESCO, Angèle Niclas ne s’attendait pas à ce que ses recherches soient plus que jamais au cœur de l’actualité. C’est pourtant à travers ses équations et avec la résolution de problèmes inverses que la moindre faille dans un tuyau pourrait être détectée.

Trouver une faille grâce aux mathématiques

« À l’image de ce qui s’est produit avec les gazoducs NordStream récemment, mon travail une fois concrétisé avec des physiciens doit permettre de retrouver rapidement l’endroit où il y a un défaut dans un conduit. »

« Ça peut fonctionner pour les centrales nucléaires, les pipelines et même de plus petites infrastructures. Pour retrouver ses défauts, on envoie des ondes à l’intérieur du tuyau et quand ça détecte un problème, une autre onde émet des informations sur le problème. »

Des recherches effectuées par la doctorante au cours de sa thèse : « Problèmes inverses et résonances locales dans les guides d’ondes mécaniques irréguliers ».

« L’idée est de retrouver tous les défauts dans un tuyau. Ça peut fonctionner pour les centrales nucléaires, les pipelines et même de plus petites infrastructures. Pour retrouver ses défauts, on envoie des ondes à l’intérieur du tuyau et quand ça détecte un problème, une autre onde émet des informations sur le problème. Je m’occupe de la partie mathématique, mes calculs déterminent l’importance du défaut, sa localisation… ».

Un BAC S en poche à 15 ans

Pour en arriver jusque-là, le parcours d’Angèle Niclas affole les compteurs. Elle découvre le Doubs (25) en primaire, lorsque son père devient chef de projet chez Peugeot. La petite fille déjà passionnée par les mathématiques rêve de devenir enseignante. Sa vie lycéenne se déroule du côté de Nancy où elle obtient son BAC S à 15 ans seulement ! « Il y avait plus jeune que moi à l’époque », sourit-t-elle. Enseigner reste l’objectif mais Angèle comprend très vite qu’elle pourra le faire plus tard, plus « haut ». Après une année de prépa à Dijon, elle rejoint l’École Normale Supérieur de Lyon. Dans la ville des Gones, Angèle Niclas se plonge dans les équations dérivées partielles qui l’amèneront à sa thèse et un bac+10.

De Grand Charmont à Polytechnique Paris

Ses travaux validés en juillet 2022 à l’École Nationale Supérieure de Lyon après trois ans de recherche ont finalement été retenus par la fondation L’Oréal – l’UNESCO pour les Femmes et la Science. L’organisme récompense chaque année les projets scientifiques féminins et Angèle Niclas est récompensée ce mardi 12 octobre à Paris. La reconnaissance de ses pairs est accompagnée d’un joli chèque de 15 000 € pour poursuivre son projet. « J’ai senti que mon travail était reconnu. Je vais pouvoir m’acheter de nouveaux logiciels et développer un peu plus le côté physique car mes calculs fonctionnent. »

« J’ai senti que mon travail était reconnu. Je vais pouvoir m’acheter de nouveaux logiciels et développer un peu plus le côté physique car mes calculs fonctionnent. »

La doubienne s’est installée dans la capitale où elle a rejoint l’école polytechnique pour un nouveau domaine d’exploration : la sismologie. « Je travaille toujours sur la mise en place de ma thèse aux côtés de physiciens et mes recherches sont en lien avec la sismologie. Certains outils sont similaires, le cadre d’application est différent et le but est d’utiliser les ondes pour retrouver les propriétés des matériaux, détecter une poche de gaz ou une nappe de pétrole dans le sol par exemple. »

A 25 ans, Angèle Niclas a déjà un bagage d’études conséquent : bac+10. Credit photo Jean-Charles Caslot

L’Enseignement, une passion d’enfance

Un outil pour éviter les catastrophes naturelles et qui pourrait très vite intéresser les grands groupes industriels en quête de ressources fossiles… Angèle Niclas espère néanmoins obtenir un poste de Maître de Conférences pour enseigner les mathématiques dans l’une des facultés de France, dès la rentrée prochaine. L’envie d’enseigner n’est jamais partie.

« Ce poste me permettrait de poursuivre mes recherches tout en gardant quelque chose de concret au quotidien. La recherche c’est beaucoup de frustration, l’aboutissement de nos projets met du temps à arriver parfois et j’ai besoin de sentir que mon travail est utile au quotidien. Je peux retrouver ce sentiment de devoir accompli dans la progression de futurs élèves. » La doubienne recevra une réponse en avril 2023. D’ici là, son travail de recherche sur les ondes aura peut-être abouti sur une grande avancée scientifique !

« Féminiser les mathématiques »

Si elle savoure cette récompense reçue également par l’une de ses amies, Angèle Niclas admet que le nombre de femmes dans son domaine se compte sur les doigts d’une main. « Dans notre promotion à Lyon, nous étions 3 sur une classe de 40. Les profs retiennent plus facilement ton nom c’est sur mais vivre dans une classe de garçons au quotidien ce n’est pas toujours évident. »
En France la Recherche est divisée en 24 institutions. Seules 4 d’entre-elles comptent plus de 50% de femmes. Pour Angèle Niclas, cette disparité s’explique par une peur des mathématiques parfois très tôt. « On a souvent tendance à présenter les mathématiques comme quelque chose de difficile à l’école. Plus tard, des femmes brillantes pensent aussi que pousser les études est incompatible avec une vie de famille, avoir des enfants, etc. C’est un peu vrai même si je pense que les deux sont possibles. Je suis encore assez jeune pour privilégier ma carrière pourtant je suis déjà mariée. »

M.S