Haut-Doubs. « Des premiers mondiaux magiques », pour le skieur haïtien Stevenson Savart 

Revenus de Planica (Slovénie) jeudi 2 mars après 10 jours de compétition, Stevenson Savart et son entraîneur Florian Panier ont vécu leurs premiers mondiaux sous la tunique haïtienne. Une fierté pour le sportif adopté à l’âge de 3 ans et une réussite pour son coach.

828
Les Haïtiens ont vécu un rêve : Théo Mallet (à gauche) et Stevenson Savart ont pu rencontrer et parler avec la légende du ski de fond, le norvégien Petter Northug

Quand on lui demande ce qu’il a préféré, Stevenson Savart répond immédiatement : « avoir représenté mon pays face aux meilleures nations et avoir pu vivre ça pour la première fois avec la team Haïti au complet. »

« Pour moi cette première rencontre avec Théo Mallet (Ndlr : le second fondeur haïtien) était magique. Ils ont une histoire similaire et se sont retrouvés comme s’ils se connaissaient depuis toujours », ajoute son entraîneur Florian Panier.

« Il fallait qu’ils profitent du moment, c’est une première »

« Les premiers articles avant la compétition nous ont fait connaître mais sur place, les médias et les autres équipes découvraient un grand black qui fait du ski donc forcément ça interpellait. J’ai senti beaucoup de bienveillance et de respect, c’était magique », commente Stevenson Savart qui répond présent sur les skis. En se classant 4e des qualifications pour l’individuel hommes, le skieur de Métabief a pu disputer le 10 kilomètres skate, le 1er mars.

Florian Panier et Stevenson Savart, de retour au lycée professionnel Toussaint Louverture

En partant en dernière position (100e), Stevenson Savart termine à la 91e place au terme d’une course usante. « Avec 4 courses en 7 jours, il était carbo à la fin. S’il avait réalisé le même temps que lors des qualifications, il terminait entre la 60e et 65e place. Le potentiel est là, la technique est bonne maintenant ce sont des petites choses à régler. », analyse Florian Panier, conscient de l’énorme découverte y compris pour lui. Le jeune coach national a pu visiter les infrastructures norvégiennes, pour apprendre des meilleurs.

« Par exemple, Stevenson a passé plus de deux heures en combinaison mouillée à attendre la fin de la course et répondre aux questions des médias. On en rigole parce qu’il fallait le vivre ainsi, c’était une première, mais c’est typiquement ce genre de détails sur lesquels les pros économisent de l’énergie. »

L’enjeu financier

Surtout, Stevenson Savart a vécu ce grand moment aux côtés de sa famille adoptive, venue en Slovénie pour l’occasion. « C’est beaucoup d’émotions. », confie timidement l’intéressé, ému. « Il a encore du mal à réaliser la responsabilité qu’il porte. Une chaîne TV haïtienne était sur place et 100 000 personnes ont vu son interview en direct. Il y a des messages, du soutien, des autographes à signer y compris dans le Haut-Doubs. Il faut que l’on continue sur cette médiatisation pour obtenir des subventions et poursuivre notre objectif. », poursuit Florian Panier. Depuis notre premier dossier, quelques entreprises locales et vosgiennes ont contacté l’équipe pour l’aider. Loin du monde professionnel (voir encadré), ces apports restent néanmoins essentiels.

De retour dans le Haut-Doubs, Stevenson Savart a repris l’entraînement sur les routes d’abord, faute de neige mais aussi en compagnie des élèves de la section sportive du Lycée Toussaint Louverture, premier partenaire de l’aventure. Deux étudiants et l’haïtien skiaient ensemble ce mercredi 8 mars sur la Nocturne des Mont de Joux, à Chaux Neuve, encadré par Florian Panier. « Il a mis des étoiles dans les yeux de pleins de gens, à lui de poursuivre son rêve ».

M.S

« 100 €, c’est 100 jours pour un Haïtien »

 

« On veut montrer aux haïtiens que vivre son rêve, c’est possible », explique Stevenson Savart. À côté de l’équipe norvégienne où chaque athlète dispose de 70 paires de skis, la team Haïti compte chaque euro pour concourir. « Avec la fatigue et le stress j’ai perdu la clé de notre local et en venant rendre celle de rechange, prêtée par l’organisation, on m’a expliqué qu’il y avait une caution de 100 € en cas de perte. Je comprends totalement, j’avais face à moi des gens qui respectaient les règles. J’étais d’accord pour donner 10 € de ma poche pour refaire l’objet perdu mais 100 €, ça représente un repas pour un Haïtien pendant 100 jours. Je voulais qu’ils saisissent l’importance d’une telle somme pour nous et le pays que nous représentons. Ils ont immédiatement compris et ont presque eu l’air gêné de nous avoir demandé ça », raconte Florian Panier. Il y a des enjeux qui dépassent largement le sport.