Haut-Doubs. L’hiver 1905-1906 a réellement séparé Eglise et Etat

Cette loi historique a été très mal accueillie de Morteau à Maîche en passant par le Russey. Un fait d’armes qui n’était pas le premier pour les catholiques du secteur.

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Les fonctionnaires étaient attendus de pied ferme comme ici aux Ecorces où les femmes étaient très mobilisées!

Déjà en 1793, une insurrection populaire antirévolutionnaire s’était déclenchée dans certaines communes des secteurs de Morteau, Le Russey et Maîche. Des événements aussi musclés que rapides qui ont été suivis d’une importante répression avec de multiples arrestations et exécutions. Cet épisode encore bien présent dans la mémoire collective locale a valu au territoire en question d’être qualifié de « Petite Vendée », en référence à la lutte menée ici par les républicains. Cette résistance n’a pas été unique dans l’histoire. En 1905 en effet a été votée la très controversée loi de séparation de l’Église et de l’État. A cette époque-là, le pays est encore secoué par l’affaire Dreyfus et l’église catholique est toute puissante, forte encore de son statut de religion d’État que la Troisième République réfute, souhaitant instaurer en France cette loi sur la laïcité. En conséquence, les églises deviendront des biens publics, propriétés des communes. Un inventaire s’impose donc…véritable sacrilège pour les catholiques !

Le Russey : « fort chabrol de l’Est de la France »

« Pour le Haut-Doubs, l’inventaire du Russey, prévu le 12 février, donne le signal d’un ample mouvement de résistance », raconte Jean-Michel Blanchot, historien à l’origine de cette exposition. Les opérations d’inventaire échouent les unes après les autres, nécessitant l’intervention musclée des forces de l’ordre, contraintes parfois d’enfoncer les portes des églises. Le Préfet, qui reçoit des rapports alarmants, ordonne la réquisition de 300 soldats, dépêchés en urgence sur le Plateau de Maîche et pour répondre aux incidents sanglants à craindre au Russey. « Les usines ferment, avec la complicité des patrons, afin de permettre aux ouvriers de participer aux manifestations. Quant aux agriculteurs, l’hiver leur ménage toute disponibilité pour organiser la défense de l’église, malgré les chemins enneigés et l’habitat dispersé en hameaux »

Le jour venu, le 12 février, à 13h30, entre 250 et 500 personnes interdisent l’entrée de l’église au commissaire requis pour l’inventaire. On le menace, on le bouscule et…on lui jette des boules de neige avant de le chasser à coups de pieds aux fesses ! Des guetteurs dans les bois ou perchés dans le clocher surveillent pour prévenir à l’aide du tocsin toute nouvelle tentative et les villageois disposent herses et faux disposés de manière à tomber sur ceux qui pénétreraient. Des pompes à fumier sont même installées pour inonder les éventuels assaillants… « Dans la surprise la plus totale, les troupes se retirent discrètement, le 11 mars, alors que l’église du Russey est toujours le fer de lance de la résistance. L’ordre est en effet, donné par Clemenceau, le nouveau ministre des Cultes et de l’Intérieur, de surseoir aux inventaires afin de tempérer les ardeurs rebelles de certaines régions, dans la perspective intéressée des législatives de mai 1906 », poursuit l’historien. Un repli stratégique qui n’empêche pas les commissaires de procéder en catimini aux Inventaires. « Ainsi au Mémont, près du Russey, l’inventaire se déroule en regardant par le trou de la serrure ». Une méthode beaucoup moins risquée !

Infos pratiques : Exposition réalisée par Jean-Michel Blanchot et organisée par la Ville de Morteau. 18 panneaux thématiques à découvrir ainsi que par exemple la Croix de 1906 réalisée à Cernay l’Eglise avec les éléments de la porte enfoncée par les forces de l’ordre lors d’un inventaire houleux !  château Pertusier jusqu’au 29 mai. Accès libre.