La médecine légale, un élément essentiel pour les victimes et la Justice

La signature le 4 mai d’un nouveau protocole régissant l’organisation et le financement de la médecine légale dans le ressort de la Cour d’Appel de Besançon a été l’occasion pour les médecins et pour les juges, d’expliquer une spécialité de la médecine trop peu connue malgré la mise en scène des légistes dans de nombreuses séries policières.

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Police judiciaire, gendarmerie, CHU, ARS et la Cour d'Appel sont les co-signataires du nouveau protocole de médecine légale à Besançon ©YQ

La médecine légale consiste à constater et évaluer les lésions de victimes, vivantes ou décédées et d’apporter des éléments de preuve aux enquêteurs et aux magistrats dans l’établissement de la vérité.

Médecine du « vivant » et médecine de « la mort »

C’est le Procureur général auprès de la Cour d’Appel, Christophe Barret, qui a défini précisément les différents actes de la médecine légale. Pour le premier magistrat du Parquet, rompu à constater des centaines de morts au cours de sa carrière, la médecine légale n’a plus de secrets.

Nathalie Delpey-Carbaux 1ère présidente de la Cour d’Appel et Christophe Barthet Procureur général étaient à la manoeuvre aux côtés de Chantal Carroger, Directrice générale du CHU pour signer le nouveau protocole 2021-2025 sur la médecine légale dans le ressort de la Cour d’Appel de Besançon ©YQ

Elle comprend trois champs d’activité principaux :

« La médecine légale du vivant » constate et évalue les lésions consécutives à toutes les violences, en identifie les conséquences et les éventuels préjudices.

« La médecine légale des morts » autrement appelée médecine légale thanatologique (en référence à Thanatos, le dieu de la mort chez les Grecs). Elle consiste à réaliser des autopsies lors de morts non naturelles, de procédures criminelles ou après des accidents de la voie publique ou d’accidents du travail pour déterminer les causes réelles de la mort et la recherche des responsabilités.

« L’expertise médicale » est le troisième niveau d’intervention de la médecine légale qui doit répondre aux multiples questions techniques des procédures pénales et la recherche de tous les indices y compris génétiques. Cette expertise permet ensuite au Juge d’évaluer le préjudice des victimes et son indemnisation.

« La médecine légale a vocation à aboutir devant les magistrats du siège pour leur permettre de juger en droit et en faits », a ajouté Nathalie Delpey-Corbaux, Première Présidente de la Cour d’Appel de Besançon.

« La recherche des causes de la mort » au sens de l’article 74 du Code de Procédure Pénale nécessite l’intervention de nombreux professionnels et une organisation rapide et sans faille pour éviter un retard dans les enquêtes judiciaires. Devant la multiplication des actes de violences ces dernières années, et les difficultés d’organisation rencontrées par le service de médecine légale, Chantal Carroger, la directrice du CHU de Besançon et Christophe Barret, le Procureur général, ont convenu de revoir un premier protocole signé en 2012 et de fixer trois objectifs à l’horizon 2025 : modifier les conditions de prise en charge d’une partie des examens de garde à vue, augmenter l’effectif des médecins légistes dans le ressort de la Cour d’Appel et enrichir les prestations offertes en matière de médecine légale. La Chancellerie, par la voix du Procureur général, s’est engagée sur un budget de fonctionnement annuel d’un million d’euros auxquels il faut ajouter un budget de l’ordre de 4 millions d’euros par an couvrant l’ensemble des besoins financiers de la médecine légale dans le périmètre de la Cour d’Appel.

La salle d’autopsie du CHU de Besançon ©YQ

Elisabeth Martin, médecin-légiste au CHU de Besançon, a profité de la signature du nouveau protocole pour exposer « cliniquement » les aspects d’un métier très rigoureux dont les rapports sont autant d’éléments pour permettre la vérité judiciaire et le deuil des proches des victimes. Des constatations in situ du corps de la victime à son examen externe et interne, la médecin-légiste participe totalement à l’enquête criminelle. « Relever les traces ADN sur le corps d’une victime permet souvent de solutionner une enquête…l’absence de traces ADN peut être aussi un élément important dans le déroulé de l’enquête de police ou de gendarmerie » conclut le Procureur général dans la salle d’autopsie du CHU de Besançon.

1789 examens de victimes en 2021

La médecine légale entend par « victime » les personnes vivantes et celles décédées. Ce nombre relativement important est en augmentation. Il concernait 1285 victimes en 2020, il est déjà de 705 personnes au 30 avril 2022.

Les examens de médecine légale thanatologique (victimes décédées) étaient de 215 en 2020, ont représenté 267 victimes en 2021 et sont déjà de 115 personnes décédées au 30 avril 2022.

Un chiffre moins connu, mais faisant partie de l’expertise médicale : dans le ressort de la Cour d’Appel de Besançon, on a recensé en 2021, 999 examens médicaux compatibles avec une Garde à Vue. Là encore, le chiffre est en augmentation en 2022 puisqu’il concerne 388 examens sur les quatre premiers mois.

Pour le docteur Elisabeth Martin, les médecins légaux ne sont plus les « farfelus » souvent présentés ainsi au cinéma. Cette activité scientifique très rigoureuse et technique est désormais mise en avant. Elle apporte souvent des conclusions essentielles à la résolution des affaires criminelles.

Yves Quemeneur