Les derniers chanteurs ayant cité Vesoul dans un morceau étaient Fatal Bazooka dans « Fous ta Cagoule » et Jacques Brel dans son titre éponyme. L’un et l’autre sont restés dans les mémoires, n’en déplaise aux haters de Michael Youn.

Est-ce alors un signe pour la nouvelle coqueluche de Haute-Saône ? À 33 ans, Pierre-Hugues José, de son vrai nom Jordy Blanc, a déjà le style vestimentaire de Fatal, facile quand on rap avec humour et autodérision. Pour la plume de Brel, il faudrait une immense prétention pour comparer le rappeur du 70 au chanteur Belge.

168 000 abonnés sur Instagram, 447 000 sur Tiktok

Ce qui n’empêche pas d’apprécier le texte et les thèmes abordés par le vésulien. Ce vendredi 23 septembre à Besançon, Pierre-Hugues José était l’un des premiers artistes à l’affiche de Détonation. Sur la plus petite scène du festival, malgré ses centaines de milliers de followers sur les différents réseaux sociaux. A coup d’accent franc-comtois poussé à l’extrême, d’expressions « bien d’chez nous » et de mises en scène loufoques et humoristiques, le rappeur éveille la curiosité.

Pierre-Hugues José a enchaîné les scènes locales cet été

Petite scène, grand espoir

Les internautes, fan du concept, partagent les vidéos d’un homme qui était encore neuro-physicien il y a un an. « Il faut faire attention aux statistiques », prévient l’intéressé. « Il y a des dizaines d’influenceurs aux milliers d’abonnés qui ne remplissent pas une salle de 200 personnes. A l’inverse, certains sont des bêtes de scènes et mauvais sur les réseaux. Moi je m’amuse. »

Si les milliers d’internautes ne se sont pas déplacés à Détonation, la scène du Bal était néanmoins complète. En attendant de remplir les salles comme Orelsan ou Disiz, deux artistes constamment cités par PHJ tout au long de l’entretien, le vésulien travaille sa plume et ses textes, parfois déconcertant.

Rappeur engagé sous différentes formes

Son premier vrai morceau « Méchant » aborde la vie de famille rongée par des violences conjugales où Pierre-Hugues José joue le rôle de tous les protagonistes. Difficile d’en rire au contraire de la majorité de ses vidéos.

« J’allais à 15 ans aider les paysans »

En réalité Pierre-Hugues José est un nom de scène. Son vrai nom : Jordy Blanc, neuro-physicien diplômée et « thèsé ».

« C’est une situation vécue par un ami. Je la raconte comme je l’ai perçue, je ne peux pas me prendre pour un rappeur de cité qui vend de la kichta (Ndlr : drogue) ce serait mentir. Je suis un gamin de Haute-Saône, j’aidais les paysans l’été dans les champs pour me faire un peu d’argent. J’étais bon à l’école surtout en math et en physique, j’ai poussé les études jusqu’à un doctorat à Bordeaux puis Paris. Ça c’est moi et en parallèle pendant tout ce temps, j’apprenais à faire du rap, de la MAO (Musique assistée par ordinateur). C’est en cela que j’estime être un rappeur engagé : faire passer des messages aux gens même si la forme est différente. Il y a tellement de bons artistes qui ont fait du rap conscient ou engagé de manière classique que je ne me vois pas faire un remake raté. Il faut une touche personnelle, voilà la mienne. »

La thèse validée. de Jordy Blanc alias Pierre-Hugues José, à l’époque de son doctorat en neuro-sciences.
« J’étais entouré de gens issus de bonnes familles, un peu bourgeois qui se foutaient de ma gueule avec mon accent. Tu peux tout faire pour être accepter par ces gens ou les emmerder et rester toi-même. J’ai fait mon choix, je suis fier de ce que je suis et d’où je viens. J’ai les mêmes diplômes, la même réussite avec une hiérarchie sociale différente. »
Pierre Hugues José

« J’étais entouré de bourgeois qui se foutaient de ma gueule »

Lâcher un travail et des diplômes prestigieux pour le rap, la hantise de tous les parents ou presque, surtout lorsqu’on vient de Haute-Saône pour ensuite marcher dans la capitale. A l’inverse, Jordy Blanc invite sa mère à plusieurs reprises dans des vidéos humoristiques. « Ma grand-mère est décédée mais quelquefois j’imagine ce que j’aurais pu faire avec elle. On se serait tellement marré. », glisse le rappeur un peu revanchard sur sa vie d’avant.

« Pendant mes études je me mentais à moi-même. J’étais entouré de gens issus de bonnes familles, un peu bourgeois qui se foutaient de ma gueule avec mon accent. Tu peux tout faire pour être accepté par ces gens ou les emmerder et rester toi-même. J’ai fait mon choix, je suis fier de ce que je suis et d’où je viens. J’ai les mêmes diplômes, la même réussite avec une hiérarchie sociale différente. »

PHJ

Premier album avant l’hiver

Pierre Hugues José n’a pourtant pas commencé le rap l’an dernier. Voilà 15 ans qu’il compose et tente de réussir. Des premières mixtapes distribuées à la famille aux premières scènes en 2022, le vésulien travaille aujourd’hui sur un premier EP « qui devrait sortir avant la fin de l’année », assure-t-il. Son dernier morceau, « Bigoudi » est une fois de plus un clip décérébré où l’artiste se transforme en chien où inversement. Si pour les fans de 7e art, l’idée renvoie au film Didier, PHJ met en avant le comportement canin que peut avoir l’homme à certains moments. Décrire des thèmes de vie en chanson, n’était-ce pas la qualité première d’un certain Jacques Brel ?

Fan d’Alexis Beaupain
Quand on lui demande si localement Pierre-Jugues José est fan de certains artistes, le rappeur cite deux noms : « Aldebert forcément ! Il y a aussi ce compositeur… Alexis Beaupain ! J’adore ses compositions, les Malheurs de Sophie, les musiques de dessins animés etc. Ses morceaux se marient toujours à la perfection avec le clip ou film. C’est clairement une influence artistique pour moi ! »
Une déclaration qui devrait faire plaisir à l’auteur – compositeur et interprète de 47 ans, né à Besançon et qui ne manque pas de distinctions (César, double disque d’or, récompenses en festival…) depuis ses débuts.

M.S