Séverine Arnaud, Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité ADMD Déléguée pour le département du Doubs

Le débat dure en France depuis des années. Si l’opinion publique est selon des sondages répétés successifs largement prête à accepter comme choix de fin de vie l’euthanasie ou le  suicide assisté, la législation actuelle ne parle encore que de soins palliatifs ou d’ arrêt de l’acharnement thérapeutique. Mais le pas pourrait être bientôt franchi, en 2023.

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On entend souvent parler euthanasie ou suicide assisté…quelle est la différence ?

On parle de suicide assisté lorsque l’acte est réalisé par la personne elle-même, qui absorbera de son plein gré le produit létal.   Il a par exemple lieu dans un cadre associatif comme c’est le cas en Suisse . L’euthanasie est réalisée par un médecin, dans un hôpital (comme cela se passe par exemple en Belgique) à l’aide d’une injection létale. Euthanasie qui, je le précise, signifie en grec la belle mort. En France, de nombreux paramètres se rejoignent et freinent une modification de la loi, modification selon la proposition que nous défendons. Je pense notamment au pouvoir des médecins et ce malgré les directives anticipées que les patients peuvent rédiger en pleine conscience. Le pouvoir religieux est clairement, à mon avis, un autre obstacle.

 

Quelle est aujourd’hui la situation en France ?

La loi Claeys-Leonetti de 2016 autorise une sédation profonde et continue jusqu’à la mort pour les malades en phase terminale et en très grande souffrance, quand leur pronostic vital est engagé à court terme. Il s’agit d’endormir le patient, de stopper les traitements et d’administrer uniquement des antidouleurs. C’est évidemment une hypocrisie. On arrête de vous alimenter et de vous hydrater. Ce qui pour nous signifie en réalité un prolongement inutile de l’agonie de la personne. La loi prévoit aussi l’arrêt de l’acharnement thérapeutique si le patient le souhaite. S’il ne peut pas s’exprimer, les équipes médicales peuvent prendre cette décision, souvent en concertation avec la famille.

 

Pourtant chacun de nous peut faire part de son choix de fin de vie ?

La loi actuelle prévoit en effet la possibilité, pour toutes les personnes majeures, de rédiger des “directives anticipées”. C’est la possibilité d’écrire ses dernières volontés. Mais là encore, on n’a fait que la moitié du chemin. Car les directives anticipées ne sont ni obligatoires, ni opposables. Cela signifie que si un médecin estime qu’elles sont manifestement inappropriées alors il peut ne pas en tenir compte. Et de toute façon, l’euthanasie reste interdite donc dans le meilleur des cas il cessera l’acharnement dont nous venons de parler.

 

Que demande votre association du Droit à Mourir dans la Dignité ?

Nous défendons l’idée de choisir comment quitter la vie, au moment où on le souhaite, lorsque l’on souffre d’une maladie sans guérison possible à moyen terme. Comme c’est le cas en Belgique, en Suisse, aux Pays-Bas ou au Luxembourg (et dans bien d’autres pays en Europe et dans le monde) où les personnes malades peuvent bénéficier d’une aide active à mourir. C’est dans ces pays que doivent donc se rendre les Français qui souhaitent y avoir recours. Une injustice à plus d’un titre car même ceux dont c’est le choix n’en ont pas forcément les moyens financiers et ça se passe loin de la famille.

 

Une réforme semble se profiler. De quoi s’agit-il ?

Le gouvernement a décidé de mettre en place une convention citoyenne. Un panel de 150 personnes issues de la société civile sera tiré au sort, représentatif de la population française. Alors cela signifie que comme le montrent différentes enquêtes d’opinion trois-quarts d’entre eux seront pour une proposition de loi en faveur d’une aide active à mourir. Après que cette convention aura rendu ses travaux, le gouvernement aura la possibilité de demander au parlement de les  prendre en compte afin de changer la loi actuelle.  J’espère et les adhérents de l’ADMD l’espèrent aussi que le dossier ne finira pas dans un tiroir.

Certains dénoncent des dérives possibles…votre avis ?

En Belgique par exemple, contrairement à un argument souvent entendu, la loi sur l’euthanasie n’a pas entrainé un tsunami de personnes désirant en finir avec la vie. On ne compte que 2,4% des décès des personnes qui y ont recours. On est loin d’un permis de tuer. La procédure est très encadrée par la loi et elle relève d’abord de la volonté du patient et si son ce sur dossier médical est accepté par l’équipe médicale. La demande d’aide à mourir doit être évidemment libre, consciente, réitérée et révocable à tout moment, parce qu’il s’agit d’une liberté dont chacun usera ou n’usera pas. Un droit ne sera jamais une obligation.