En Bourgogne Franche-Comté, 1335 entrepreneurs sans emploi

C’est le nombre de chefs d’entreprises en Bourgogne Franche-Comté qui ont perdu leur emploi en 2022. Une crise sociale "à bas bruit".

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Une hausse de plus de 35% par rapport à 2021

S’il est vrai que le « quoi qu’il en coûte » avait permis à certains entrepreneurs de garder la tête hors de l’eau, les conséquences indirectes de la crise des gilets jaunes, de la période Covid, le contexte inflationniste et la hausse des taux d’intérêt rattrapent des entreprises déjà en difficulté et fortement endettées.

Le Doubs relativement épargné

L’augmentation des chefs d’entreprises concernés par leur perte d’emploi n’a progressé que de 1,5%, le taux le plus faible des huit départements de la région. Dans le Doubs, l’âge moyen des personnes concernées est de 45,8 ans (contre une moyenne régionale à 46,6 ans).

Surtout, 80% des pertes d’emploi des entrepreneurs concernent des établissements de moins de 3 salariés.

Une crise sociale « à bas bruit »

On parle quotidiennement de licenciements économiques, du chômage des salariés, de leur difficulté à rebondir. Le chômage des chefs d’entreprises passe sous les radars médiatiques.

Le suicide des patrons est une réalité peu connue, un chef d’entreprise est plutôt dépeint comme un privilégié, rarement comme une victime. Pourtant, selon l’Observatoire de la santé des dirigeants de PME, on compte environ 300 à 400 suicides/an. Le nombre est encore plus important chez les agriculteurs, souvent étranglés entre les contraintes réglementaires françaises et européennes, un endettement considérable et des consommateurs qui privilégient trop souvent des produits d’importation.

Pour un chef d’entreprise qui passe par la case « liquidation judiciaire », la situation est critique. Il doit affronter les conséquences d’un échec personnel, parfois des ruptures familiales. Il doit également  faire face à des dettes personnelles issues de son activité professionnelle. Dans beaucoup de cas, il ne dispose d’aucun revenu de substitution (un mandataire social ne peut pas bénéficier de l’assurance-chômage).

L’association GSC (Garantie Sociale des Chefs d’entreprises) est une assurance volontaire créée il y a plus de 40 ans par les syndicats patronaux pour répondre au besoin de protection chômage en cas de perte de leur emploi. En collaboration avec le cabinet ALTARES, l’association publie chaque année un Observatoire qui permet de mieux sensibiliser les acteurs économiques et d’informer les chefs d’entreprises.

« Chaque jour, 4 chefs d’entreprises perdent leur emploi en Bourgogne Franche-Comté »

C’est le constat établi par Anthony Streicher, Président de l’association nationale GSC.  « Les entrepreneurs doivent faire face à un contexte économique particulièrement difficile. Les fragilités se multiplient et s’alimentent ». Après 3 années de crises multiples, les difficultés s’accumulent : pénurie de main d’œuvre, surcoûts énergétiques, inflation, hausse des taux d’emprunt, remboursement des dettes COVID et PGE. Elles accentuent la fragilité des chefs d’entreprises, alors même que les assignations URSSAF n’ont pas encore repris.

Pour Anthony Streicher « Les tension sur la trésorerie se font sentir en 2023. La reprise des procédures pourrait encore accélérer la remontée des défaillances déjà observée en 2022 ».

Un rebond plus difficile pour les gérants de TPE

Avec un âge moyen de perte d’emploi de 46,6 ans, le rebond professionnel est compliqué pour beaucoup d’entrepreneurs. Ils résistent moins bien aux aléas économiques. En Bourgogne Franche-Comté, ce sont 349 femmes et hommes de plus qui ont perdu leur emploi par rapport à 2021 !

Les huit départements sont impactés

Le département de Saône-et-Loire cumule un quart des pertes d’emploi d’entrepreneurs. Ils sont 331 à avoir perdu leur emploi en 2022.

La Nièvre poursuit sa chute dans la diagonale du vide. Les pertes d’emploi de chefs d’entreprises ont augmenté de 84,5% en un an.

La Haute-Saône et l’Yonne voient leur situation se dégrader avec une hausse du chômage des entrepreneurs de respectivement 60,7% et 52,3%.

La Côte d’Or et le Jura constatent une hausse des pertes d’emploi de chefs d’entreprise de 12,7% et 34,9%. Le Territoire de Belfort ne compte que 66 entrepreneurs ayant perdu leur emploi, une augmentation de 40,4%.

Enfin, avec 209 chefs d’entreprises impactés en 2022, le Doubs enregistre le plus faible taux d’évolution (1,5% par rapport à 2021).

Près de 2 entrepreneurs sur 3 n’ont pas anticipé une éventuelle perte d’emploi

Si le pourcentage est logique (un dirigeant crée une entreprise en espérant  son développement), l’association GSC « souhaite réfléchir collectivement à l’avenir proposé à ces femmes et ces hommes confrontés à l’échec ».

Anthony Streicher évoque également la volonté d’indépendance des chefs d’entreprises. « Chacun est libre de sécuriser ou non son parcours professionnel mais nous devons avoir conscience qu’il s’agit collectivement de la capacité de reprise de la France ».

Tous les secteurs d’activité sont concernés et particulièrement dans la construction et le commerce qui représentent à eux seuls près de la moitié des pertes d’emploi d’entrepreneurs de la région.

L’inflation et les difficultés de recrutement pèsent sur le secteur de l’hébergement et de la restauration qui a vu une augmentation de 88,5% du nombre de défaillances.

Selon Fréderic Barth, Directeur d’Altares « les secousses s’enchaînent. Pourtant, l’économie fait encore preuve d’une surprenante résistance ». Si les indices sont meilleurs qu’attendus en ce début d’année 2023, les risques sont bien présents. « Les cessations de paiement s’envolent désormais dans les TPE mais aussi les PME. 9 300 entreprises ont déposé le bilan en janvier-février 2023, soit un millier de plus que début 2020 avant la pandémie » conclut Frédéric Barth.

Ces chiffres sur le chômage et la situation sociale des chefs d’entreprises confrontés à la disparition d’une entreprise et donc à leur emploi, sont utiles pour mettre en lumière les catastrophes humaines, sociales et financières qu’ils doivent affronter.

Yves Quemeneur