Edito. L’aphorisme d’une guerre

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Comme si le temps s’était arrêté jeudi 24 février 2022. Les aiguilles figées d’une montre portée par un seul homme, Vladimir Poutine, qui, en envahissant l’Ukraine, a réveillé les vieux démons d’une époque que l’on croyait révolue. Une guerre déclenchée par le chef d’état russe dont la pensée est décryptée, analysée, chaque minute, depuis plus d’une semaine maintenant par des centaines d’experts. Pourtant, la seule personne à connaître clairement ses intentions reste Vladimir Poutine lui-même ; Ses ministres, ses fidèles généraux, l’OTAN, tous semblent perdus et les pires images de l’humanité ressurgissent.

On voit les milliers de morts d’abord, d’un camp comme dans l’autre. Dimanche 27 février, trois jours après l’invasion, l’armée ukrainienne annonce 4300 soldats russes tués et 200 prisonniers. Un site internet, 200rf.com, a été créé pour répertorier les passeports de soldats trouvés sur le champ de bataille et prévenir leur famille. La capitale du pays, Kiev, est sous les bombardements depuis le samedi 26 février. L’un d’eux aurait causé la mort de 200 civils.

On voit le racisme survenir au pire des moments, en pleine évacuation des 100 000 personnes fuyant le pays vers la Pologne. A la frontière, la priorité aurait été donnée aux « Ukrainiens », ou plutôt aux personnes blanches. Des dizaines de ressortissants d’origine africaine, étudiants, femmes et enfants compris ont été bloqués plusieurs jours, sans pouvoir se mettre à l’abri. L’Union Africaine a dénoncé cette situation, lundi 28 février.

Sur les plateaux TV et radios françaises aussi la différence « civilisationnelle » est bien réelle. « On aura une immigration de grande qualité » se réjouissait presque Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des Affaires étrangères de l’assemblée nationale, au micro d’Europe 1. BFM TV n’est pas non plus en reste avec ses éditorialistes comme Christophe Barbier estimant : « […] Il n’est pas question de dire « est-ce que vous êtes réellement des réfugiés ? ». Ce sont des européens de culture […]. » ou encore Philippe Corbé, journaliste sur la même chaîne « on ne parle pas la de syriens qui fuient les bombardements, on parle d’européens qui prennent leurs voitures qui ressemblent à nos voitures, qui prennent la route et qui essayent juste de sauver leur vie, quoi. » Indécent.

On voit aussi les ennemis des ennemis devenir amis pour une cause commune. Dans le camp russe où Vladimir Poutine a fait appel à la République de Tchétchénie, dirigée par Ramzan Kadyrov. Ce même Kadyrov, qui a organisé l’enterrement avec les honneurs de l’assassin de Samuel Paty. Ce même Kadyrov, qui dimanche 27 février 2022, harangue ses 10 000 soldats pour rejoindre les forces armées russes, 22 ans après le massacre de la Seconde Guerre de Tchétchénie entre ces deux camps.

Chez les Ukrainiens, la résistance a aussi sa part d’ombre. Ce nouvel allié russe a réveillé le régiment Azov. Toujours dimanche, la garde nationale ukrainienne publiait sur son compte Twitter une vidéo de ce groupuscule néonazi rejoignant la résistance. On y voit un soldat enduire ses balles de fusil d’assaut de graisse de porc pour tuer « l’envahisseur musulman » (NDLR : les tchétchènes).

Une multitude de faits choquants résumés en un aphorisme. Celui du journaliste français, Grégoire Lacroix : « l’homme est capable du meilleur comme du pire, mais c’est vraiment dans le pire qu’il est le meilleur ».

Martin SAUSSARD