Doubs. Homicides conjugaux, un protocole pour protéger les enfants

Faits rares, mais tragiques quand les enfants sont au cœur d’un drame familial. Pour améliorer la prise en charge des enfants dans l’urgence, un protocole a été signé le 15 janvier 2025 entre tous les acteurs confrontés à ces drames.

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Les signataires de la convention qui lient les différents acteurs pour mieux préserver l'intégrité des enfants dans le cas d'homicides familiaux ©YQ

Un constat des événements récents

Étienne Manteaux, le Procureur de la République de Besançon, a rappelé les trois affaires violentes dans lesquelles la prise en charge des enfants aurait pu être améliorée.

En octobre 2018, une mère de famille afghane avait été poignardée mortellement par son conjoint. Le couple avait deux enfants qu’il a fallu prendre en charge dans l’urgence. En septembre 2022, une femme a été abattue par son mari dans leur maison de Morre. L’auteur s’était ensuite donné la mort.  » Au retour du collège, les enfants ont découvert l’horreur avec les gendarmes dans le logement. Un protocole comme celui que nous allons mettre en œuvre aurait permis d’anticiper et de protéger les enfants en amont «  précise le Procureur Manteaux. Puis c’est en juillet 2024 à Noël-Cerneux qu’un mari étrangle sa femme avant de se suicider en mettant le feu au domicile.  » Il a fallu prendre en charge dans l’urgence les trois enfants du couple dont un mineur «  complète Étienne Manteaux.

 » Les enfants sont désormais considérés comme des victimes à part entière. Auparavant, ils n’étaient que des témoins « , Christine de Curraize, Procureure adjointe du Tribunal de Besançon.

Ne pas ajouter du malheur au malheur

L’élaboration de ce protocole a pris plusieurs mois. Le Conseil départemental (au travers de l’aide sociale à l’enfance), le Procureur de la République, le Président du Tribunal Judiciaire de Besançon, la Police nationale, la gendarmerie, le CHU de Besançon, le centre hospitalier de Novillars et l’ARS ont travaillé de concert pour améliorer la prise en charge des enfants victimes dès la constatation de faits.

Identifier le cadre de chaque action

L’objectif du protocole est d’agir dans l’urgence efficacement pour les enfants. Par exemple, les gendarmes ou policiers présents sur la scène de crime auront ainsi le réflexe de trouver le carnet de santé, un doudou, des vêtements de rechange pour éviter le moins de rupture possible.

Hospitalisation systématique des enfants

Le protocole prévoit une prise en charge hospitalière immédiate dans les services de pédiatrie et pédopsychiatrie du CHU ou de Novillars. Pendant une période de quelques jours, les enfants sont pris en charge par des professionnels de santé.

La solution « simple » consistant à confier les enfants en urgence à un membre de la famille est rarement la bonne solution. Les proches sont également dans la sidération à la suite de tels drames. Difficile alors de prendre en charge le traumatisme des enfants qui viennent de perdre leur mère, voire les deux parents. Ces quelques jours vont permettre d’évaluer la meilleure solution, soit privilégier le placement dans un cadre familial ou éventuellement dans une famille d’accueil. C’est alors le juge qui décide avec le recul suffisant.

 » Le traumatisme psychologique est important. Il doit être pris en charge dans l’urgence  » Docteur Dominique Fremy, pédopsychiatre au CH de Novillars

Ce protocole, déjà mis en place dans d’autres départements, porte ses fruits. Il a été initié en Seine-Saint-Denis, a précisé Christine de Curraize la vice-procureure. Elle a souligné  » l’importance de l’évaluation de l’entourage familial pour mieux répondre aux questions de l’enfant « .

Ce protocole a vocation à s’adapter à chaque cas particulier. Si l’hospitalisation est immédiate et systématique, elle peut être réduite ou augmentée dans la durée. Il répond enfin…comme l’a souligné la vice-procureure, au statut de victimes des enfants.

Patricia Lime-Vieille, vice-présidente Enfance-Famille au conseil départemental a conclu utilement par une citation de la philosophe Simone Weil  » Il n’y a pas de pire malheur pour un enfant que de perdre un de ses parents dans des circonstances aussi violentes « .

Yves Quemeneur