Haut-Doubs. Installée depuis 30 ans en Nouvelle-Calédonie, une pontissalienne témoigne de son inquiétude

La crise qui a éclaté en Nouvelle-Calédonie depuis trois semaines a accentué le clivage entre indépendantistes, majoritairement issus du peuple Kanak et les Caldoches dont beaucoup sont installés depuis des décennies. Née à Pontarlier et installée depuis 30 ans à Nouméa, Nathalie* craint désormais pour son quotidien et celui de son quartier.

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Les photos des premières nuits en Nouvelle-Calédonie témoignent d'une violence rare sur l'archipel. Photo DR

La situation très tendue depuis des mois dans l’archipel du Pacifique a explosé le 13 mai, alors que l’Assemblée nationale devait se prononcer sur une révision constitutionnelle, pour dégeler le corps électoral des élections provinciales et territoriales, les élections « les plus importantes » de Nouvelle-Calédonie (le gel du corps électoral pour ce type d’élections a suscité une interprétation des différents partis politiques après les Accords de Nouméa en 1998. Si le conseil Constitutionnel a introduit la notion de « corps électoral glissant », en 2007, sous la pression indépendantiste le gouvernement de Jacques Chirac tranche en faveur d’un gel permanent adopté par l’Assemblée puis le Sénat, NDLR).

En clair, revenir sur une loi déjà très contestée au moment de son instauration qui permet seulement aux personnes installées depuis 10 ans ou plus avant les accords de novembre 1998, de voter pour ce scrutin. À cela s’ajoutait un autre règlement pour les trois référendums tenus entre 2018 et 2021, en lien avec la dernière mandature des Accord de Nouméa. « Concernant les référendums de la Nouvelle-Calédonie, les personnes arrivées après 1994 ne pouvaient pas voter, les personnes installées avant oui, tout comme celles nées sur l’île. C’est typiquement le cas de notre famille. », confie Nathalie*. Après avoir grandi et fait ses études à Pontarlier, elle décide de partir travailler dans les départements d’Outre-Mer, puis s’installe à Nouméa en 1995. Elle y rencontre son mari, fonde une famille et trouve une stabilité aujourd’hui menacée.

Des tensions exacerbées par une ingérence étrangère

Si les tensions entre Indépendantistes, majoritairement Kanaks, et Caldoches et autres émigrés du monde, ont toujours été présentes, la crise du mois de mai 2024 est d’une violence rare, régulièrement comparée aux événements de 1984 à 1988. Toutefois, les instigateurs sont cette fois épaulés par une ingérence étrangère très influente. La Chine lorgne sur cet archipel et tente d’obtenir le monopole mondial du nickel, secteur essentiel à l’économie de la Nouvelle-Calédonie. Une situation entraînant une pauvreté croissante sur laquelle s’appuient désormais la Russie et l’Azerbaïdjan. Pour la première, cette déstabilisation est perçue comme une réponse aux prises de position du Président Emmanuel Macron sur la Crimée puis l’envahissement de l’Ukraine. Même chose pour la seconde nation qui n’a pas oubliée le Haut-Karabagh. Les répercussions à Nouméa sont visibles pour Nathalie*. « Il y a beaucoup de jeunes gens, que nous connaissons pour certains, qui aujourd’hui plongent dans une violence qu’ils sont incapables de commettre seuls. Et ses armes, d’où viennent-elles ? On voit des drapeaux de l’Azerbaïdjan, des slogans russes. Récemment, on a appris qu’un leader indépendantiste s’était rendu là-bas. On comprend mieux pourquoi. En 30 ans, ça se passait relativement bien. Depuis le début des trois référendums, beaucoup de choses ont changé. »

Les habitants du quartier où vit Nathalie et sa famille, se sont réunis pour se protéger face aux pillages et dégradations. Des groupes filtrent les entrées et sorties. Si la violence des Indépendantistes cause des dégâts conséquents, côté Caldoche le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, a évoqué la présence de certaines milices loyalistes armées, prêtes à attaquer. Au milieu de ce conflit armé, les habitants comme Nathalie tentent de s’en sortir. « Les supermarchés rationnent certains produits, les pharmacies sont attaquées, les services publics brulés et malgré ça, il y a une grande solidarité entre les habitants qui veulent survivre. Je ne désespère pas. Il faut que les leaders extrémistes, souvent jeunes, partent et laissent la place à des élus modérés. Sans cela, on ne retrouvera pas une sérénité totale. » Le président Emmanuel Macron s’est rendu sur l’île depuis le mercredi 22 mai, pour ouvrir « une mission » désormais très urgente.

*Le prénom a été modifié par sécurité.

M.S