Les prémices du futur Planoise apparaissent

Le 1er février, Jean-François Colombet le Préfet du Doubs et Anne Vignot la Maire de Besançon ont passé la journée dans le quartier de Planoise. De déambulation dans les rues du quartier à une réunion publique le soir au gymnase Diderot, ils n’ont pas ménagé leur peine pour venir en aide à un quartier trop longtemps en déshérence.

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Bastien Fiori, urbaniste à Grand Besançon Métropole, a servi de guide au Préfet Jean-François Colombet à Anne Vignot la Maire de Besançon ©YQ
NPRU pour un quartier apaisé et renouvelé

Le 8 janvier 1965, l’Est Républicain titrait « Jour J pour la cité de l’avenir ». Presque 57 ans jour pour jour après, la « Cité de l’avenir » est devenue le chancre du passé d’une ZUP construite à l’âge d’or de l’essor démographique de Besançon. Planoise pourrait devenir « un quartier comme un autre de Besançon, voire même un quartier mieux qu’un autre » grâce à sa rénovation, selon la Maire de Besançon.

L’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU) est née en 2003 de la volonté de Jean-Louis Borloo, alors ministre délégué à la Ville du gouvernement Raffarin sous la présidence de Jacques Chirac. Il s’agissait alors de transformer des quartiers présentant des difficultés socio-économiques, une évolution démographique mal maîtrisé et le lieu des premiers bastions du trafic de drogue enkystés dans ces quartiers dits « prioritaires de la politique de la Ville ».

L’immeuble tripode de la rue de Cologne promis à la déconstruction ©YQ

Le Nouveau Plan de Rénovation Urbaine de Planoise et la Grette (NPRU) a démarré en 2019 et devrait se terminer en 2029 avec la démolition de 1 200 logements et la réhabilitation et résidentialisation de 2 000 autres logements. Les 3 barres d’immeubles des « 408 » à la Grette sont désormais rasées et tous les habitants relogés dans des quartiers « moins sensibles » de l’agglomération bisontine.

« Moderniser, diversifier, améliorer la qualité et le cadre de vie »

Les premières démolitions ont débuté à Planoise, en particulier autour de l’îlot Van Gogh. L’objectif est, selon le programme de Grand Besançon Métropole, de « moderniser, diversifier, améliorer la qualité et le cadre de vie » des quelques 17 000 habitants de Planoise résidant dans les secteurs Ile-de-France, Epoisses et Cassin.

Dans les premières réhabilitations, le 11 rue des Causses, géré par Loge.GBM, 85 logements ont été rénovés et l’immeuble ravalé et isolé ©YQ

Accompagnés par Bastien Fiori, urbaniste à Grand Besançon Métropole et des quatre bailleurs sociaux (Loge.GBM, Aktya, Néolia et Habitat 25) la Maire et le Préfet ont découvert l’avenir à l’horizon 2029 d’un quartier qui était devenu au fil des ans le centre logistique du trafic de drogue de tout le grand est de la France. On se souvient des fusillades en 2019 et 2020 entre le « clan de la Tour » et le « clan de Picardie » aboutissant au meurtre de Houcine Hakkar, tué en pleine ville par cinq balles qui ne lui étaient pas destinées. La présence policière accrue avec l’installation d’un commissariat de police dans le quartier, le travail en commun de la police et de la justice pour endiguer ces phénomènes de bandes ont conduit à un relatif apaisement. Mais Yves Cellier, le Directeur départemental de la sécurité publique du Doubs ne cachait pas son inquiétude lors de la soirée d’échanges avec les habitants. « A Planoise, nous sommes passés de 18 points de deal à seulement 6. Ce bon chiffre cache en fait l’adaptation des trafiquants aux nouveaux modes de consommation. Le trafic de drogue est désormais ubérisé, la livraison se fait à domicile ».

Bien sûr, tout cela ne va pas assez vite selon les habitants qui n’en peuvent plus des incivilités du quotidien. « Quand nous appelons la police pour des tapages nocturnes ou des menaces à notre porte, nous n’avons pas de réponse » s’emporte un habitant du quartier depuis 30 ans, victime d’une agression il y a quelques années. Le sentiment d’impunité de nombreux jeunes déscolarisés et tentés par la vente de stupéfiants ne facilite pas la tâche des policiers.

Planoise, c’est aussi et surtout des « gens bien »
Benoît Cypriani adjoint à la tranquillité publique, Yves Cellier Directeur départemental de la sécurité publique, Jean-François Colombet Préfet du Doubs, Anne Vignot Maire de Besançon, Etienne Manteaux Procureur de la République et Yannick Poujet Adjoint chargé de Planoise, ont écouté le 1er février les doléances des habitants de Planoise ©YQ

Au premier rang, on peut citer Adrien Vitte et son épouse qui ont fait le pari de la réouverture de leur Intermarché de la place Cassin après deux ans de fermeture et de travaux à la suite de l’incendie de la fourrière le 31 décembre 2019. Les « gens bien » de Planoise, c’est aussi ceux qui ont été les acteurs du documentaire de Myriam Kebani. La réalisatrice a grandi à Planoise avant de faire carrière à Paris. Pendant un an et demi, elle a recueilli la parole des habitants, pour les sortir de l’ombre, leur offrir de la considération. Son propos, diffusé sur France 3 Bourgogne Franche-Comté fin janvier, a pourtant suscité colère et déception d’une partie des « acteurs d’un jour ». Les « gens bien » de Planoise, c’est enfin l’association « Centre Loisirs Jeunes » née grâce à la Police de la sécurité au quotidien qui apporte des loisirs gratuits et encadrés aux enfants de Planoise.

Il reste à donner à ce quartier un autre visage : des logements plus humains, mieux isolés, mieux adaptés aux besoins des familles, un environnement offrant autre chose que des points de deal aux pieds d’immeubles crasseux.

C’est ce que Anne Vignot et Jean-François Colombet sont venus constater ce 1er février. Dans 6 ans, les planoisiens seront fiers d’indiquer leur adresse sur les CV. Pour ceux qui devront déménager dans d’autres quartiers ou communes de Grand Besançon Métropole, ils ont exprimé leur crainte de quitter un quartier qui, souvent, les a vus naître. Ils l’ont dit et répété à la Maire de Besançon ; elle devra en tenir compte avec les bailleurs sociaux pour accompagner ces déménagements et ne pas en faire des déchirements.

Anne Vignot et Jean-François Colombet ont d’ores et déjà donné rendez-vous aux habitants de Planoise le 1er juillet prochain pour présenter un autre point d’étape dans la rénovation du quartier.

Yves Quemeneur