Réindustrialiser, une volonté des Intercommunalités et de la Région en Bourgogne Franche-Comté

Le mercredi 15 mai, Marie-Guite Dufay, Présidente de la Région Bourgogne Franche-Comté et Sébastien Martin, Président d’Intercommunalités de France, ont signé à Dole une déclaration commune Région-Intercos pour réindustrialiser les territoires

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Sébastien Martin Président d'Intercommunalités de France et Marie-Guite Dufay Présidente de Région Bourgogne Franche-Comté, lors de la signature de la déclaration commune à Dole le 15 mai 2024 ©Conseil régional BFC
Un accord ou une déclaration d’intentions ?

Elle vise « une méthode innovante pour mettre en œuvre concrètement la politique industrielle régionale, au plus près du terrain et des besoins des industriels…Cette méthode repose essentiellement sur le principe de subsidiarité… »

On peut s’étonner de l’usage détourné du principe de subsidiarité. Celui-ci expose que « la responsabilité publique, lorsqu’elle est nécessaire, revient à l’entité compétente la plus proche des besoins. Cette compétence peut être transférée à un échelon supérieur pour améliorer son efficacité ». Dans la déclaration Région-Intecos, Marie-Guite Dufay inverse ce principe en écrivant « la Région, dans son rôle de stratège et de chef de file, confie à l’intercommunalité…les responsabilités et la maîtrise d’ouvrage nécessaires à la concrétisation des ambitions régionales » !

Un pacte productif

« La Région Bourgogne Franche-Comté et les intercommunalités doivent être les fers de lance de la réindustrialisation de la région » déclarent les deux signataires. Ce pacte a été initié en décembre dernier avec la Région des Hauts-de-France. Il définit « les élus régionaux et intercommunaux, acteurs publics de proximité, comme les premiers interlocuteurs des chefs d’entreprise et les plus à même de les accompagner ».

« Ce renouveau productif des territoire exprime la reconnaissance par la Région du rôle de premier plan que doit jouer le tandem région-intercommunalités, en matière de développement économique et industriel » précise Marie-Guite Dufay.

Constats ou objectifs ?

Le document signé le 15 mai à Dole, comporte (excusez du peu) une annexe de 25 pages : un catalogue de constats fait il y a une trentaine d’années et d’objectifs non chiffrés

  1. Le foncier économique et le logement

Les mesures envisagées se heurtent à une équation difficile à résoudre. Le ZAN (Zéro Artificialisation Nette) à l’horizon 2050 et la construction d’usines nouvelles : on peut bien entendu réhabiliter des friches industrielles ou construire des usines « en hauteur ». Comment peut-on installer des presses de plusieurs tonnes au 3ème étage d’un immeuble industriel ?

Côté logement, le « pacte productif » insiste sur la construction de logements, particulièrement en zone rurale ou périurbaine pour permettre aux nouveaux salariés de résider à proximité de leur lieu de travail. Là encore, comment associer cet objectif avec la volonté de réduire l’étalement urbain ?

  1. Rendre plus efficace la formation et améliorer les compétences

Objectif louable, énième proposition : La loi Borloo du 18 janvier 2005 imposait pour les entreprises la négociation d’un dispositif de Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC). Les programmes de formation dans l’industrie se heurtent également à la mauvaise image qui continue d’être véhiculée par bon nombre d’enseignants dès le collège. Ce n’est donc pas un catalogue de bonnes intentions qui va résoudre les centaines de milliers d’emplois non pourvus en France dans l’industrie. Bien entendu, les partenaires sociaux (filières professionnelles et syndicats de salariés) ont une part de responsabilité, en particulier dans le blocage des conventions collectives.

  1. Mobilités et freins à l’emploi

Le développement industriel passe par des outils logistiques performants. Approvisionner une usine ou livrer ses clients nécessitent un réseau d’infrastructures de transport adapté. Comment donc concilier l’essor industriel sur le territoire de Bourgogne Franche-Comté sans routes ? Là encore, l’équation semble impossible à résoudre.

  1. Modernisation de l’appareil productif et transition écologique

« Compétitivité des écosystèmes industriels (robotisation, IA, …), acceptabilité sociale et territoriale de la réindustrialisation, adaptation au renforcement des normes environnementales et prise en compte des nouveaux risques (climatiques, cyber…) : l’industrie s’engage déjà dans les transitions numérique et écologique, ouvrant des opportunités pour développer de nouveaux secteurs et rapatrier certaines activités ». Tout cela est bien inscrit dans le pacte productif. Pour autant, les différentes réglementations en empêchent souvent leur application.

« Laissez-nous entreprendre »

Ce cri du cœur et de la raison lancé par Sophie Guillin, la Directrice du Groupe Guillin, lors de la rencontre avec les sénateurs à Besançon, rappelle celui de Georges Pompidou à l’adresse du jeune énarque Chirac en 1966 : « Mais arrêtez donc d’emmerder les Français ! Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements. Foutez-leur la paix. Il faut libérer ce pays ! » 58 ans après, l’inflation de textes, souvent contradictoires, continue d’empêcher les entrepreneurs d’entreprendre, les inventeurs d’inventer, les explorateurs d’explorer un monde qui n’est pas fini.

Le pacte productif signé le 15 mai 2024 en Bourgogne Franche-Comté va-t-il être suivi d’actions concrètes pour permettre aux entreprises de faire des profits pour innover, se développer, embaucher ? Rien n’est moins sûr !

Yves Quemeneur