Le musée d’Ornans met en lumières les ateliers d’artistes

Jusqu’au 27 mars 2022, le musée Courbet d’Ornans présente une exposition dédiée aux ateliers d’artistes.

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Gustave Courbet a peint "l'Hallali du cerf"dans l'atelier qui vient d'être restauré après 2 ans de travaux

Benjamin Foudral, le jeune et talentueux directeur et conservateur du Pôle Courbet a eu l’idée originale d’une exposition en miroir à l’inauguration au printemps prochain de l’atelier Courbet et de la maison Marguier d’Ornans.

L’atelier du peintre à Ornans a été acquis par le département du Doubs en 2007. Longtemps en déshérence, il bénéficie depuis 2019 d’une grande campagne de restauration qui devrait trouver son aboutissement au printemps 2022. « L’atelier dans la campagne » de Gustave Courbet sera au cœur du parcours du peintre dans son environnement natal, « comme contre-pôle de son atelier parisien de la rue Hautefeuille. Quand il installe son atelier à Ornans, Gustave Courbet est déjà très réputé, internationalement connu » souligne Benjamin Foudral.

L’atelier d’artiste devient lieu d’échanges et de relations « mondaines »
Edouard Dantan, Un coin d’atelier, 1880, huile sur toile, 98 x 130 cm
Saint Cloud, Musée des Avelines © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

L’avènement des Romantiques dans un siècle où l’artiste acquiert une place nouvelle dans la société attise la curiosité d’un public plus large. « La fréquentation des artistes est recherchée par toutes les strates de la bourgeoisie dans les années 1860-1880« . Les artistes deviennent les prescripteurs du goût.  En ce sens, l’atelier d’artiste, qu’il soit urbain et parisien ou « à la campagne » devient un lieu d’échanges, de rencontres, de transmissions et la vitrine publicitaire des artistes.

Cinq chemins pour parcourir l’exposition d’Ornans et les 70 œuvres exposées
« L’atelier du peintre, une allégorie réelle ». En 1855, Gustave Courbet réalise « l’atelier du peintre ». La toile représente l’univers intime et intellectuel du peintre dans son atelier de la rue Hautefeuille dans le 6ème arrondissement. Dans cette peinture, Courbet « devient l’acteur central, un astre autour duquel gravite une micro-société » commente le conservateur du musée d’Ornans. Gustave Courbet confie en explication de cette œuvre monumentale « C’est le monde qui vient se faire peindre chez moi ». C’est bien le cœur de la nouvelle bourgeoisie qui vient chercher dans les ateliers d’artistes « le goût que n’octroie pas l’argent » (Edmond Goblot).
Puis le cheminement conduit à « l’atelier, miroir de l’artiste ». L’évolution du statut social de l’artiste et de sa transformation en personnalité publique a engendré le désir du public de connaître leur espace intime. Cette partie de l’exposition présente des autoportraits ou des portraits d’artistes dans leur atelier. Ils mettent en image leur identité propre, hors des contraintes d’un client. Bohême ou dandy, solitaire ou social, martyr ou reconnu, on trouve dans les toiles et photographies la revendication des artistes pour leur statut et leurs convictions.
Jean Gigoux, L’atelier du peintre,1853, huile sur toile, 110 x 159.5 cm.
Besançon, Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie
© Besançon, musée des Beaux-Arts et d’Archéologie – Photographie C. Choffet
« L’atelier médiatisé » est la troisième étape d’un voyage dans l’intimité des artistes grâce à un nouveau genre journalistique en vogue dans la presse de la seconde moitié du XIXème siècle : les visites d’atelier. Les reportages sont accompagnés de gravures faites à partir de clichés photographiques. L’Illustration, Le Monde illustré ou la Revue illustrée en font leur spécialité. En favorisant l’accès à un public élargi, dans le contexte d’un marché de l’art plus concurrentiel, les artistes cultivent, par ces articles, leur image publique et leur publicité. Le peintre ou le sculpteur devient un artiste « en représentation » dans un décor devenu vitrine commerciale. L’exposition des vues d’Edmond Bénard (1838-1907) photographe à succès, témoignent de cette vogue.
Louise Breslau, Portrait de Jean Carriès dans son atelier,
1886-1887, huile sur toile, 176 x 165 cm.
Paris, Petit Palais, © Paris Musées / Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Le quatrième chemin de l’exposition « Un atelier à soi » fait la part entre « l’atelier des villes et l’atelier des champs ». Tout au long du XIXème siècle, les centres urbains, et particulièrement Paris, attirent de plus en plus d’artistes. Ils vont installer leur atelier bohême dans les quartiers étudiants de la rive gauche à proximité des lieux de formation (écoles, musées…), en même temps qu’apparaissent dans les quartiers bourgeois comme la plaine Monceau des ateliers plus vastes et luxueux en proximité de leur clientèle. Mais les nouvelles pratiques de peinture en plein air et d’observation mènent de nombreux artistes à s’installer au milieu des champs, souvent dans de simples chambres d’hôtel. Attaché à sa terre natale, Gustave Courbet mûrit l’idée d’un « atelier dans la campagne ». Il acquiert à Ornans, une maison et des terrains qui descendent jusqu’à la Loue et façonne son environnement par la plantation d’arbres et d’essences pour sa peinture. L’atelier est finalisé en 1860 et préfigure par son ambition la maison de Claude Monet à Giverny.
Le parcours se termine « dans la campagne de Courbet ». Son nouvel espace à Ornans, imaginé comme « un atelier à soi », s’émancipe des modèles urbains. Gustave Courbet façonne l’atelier à son image par la réalisation de peintures murales allant jusqu’au plafond et la présence d’objets hétéroclites. Il y créera une série impressionnante de paysages. Espace de réception, il y accueille critiques d’art et collectionneurs et en fait un lieu de transmission en réunissant autour de lui de jeunes peintres « en résidence ».

L’exposition proposée jusqu’au 27 mars 2022, propose un parcours original autour des ateliers de peintres du XIXème siècle. Elle est indissociable de la renaissance de l’atelier du peintre à Ornans qui devrait être inaugurée au printemps prochain. Le Pôle Courbet trouvera alors son aboutissement autour du Maître d’Ornans : du musée entièrement rénové, à la ferme familiale de Flagey en passant par tous les sentiers et les sous-bois de la vallée de la Loue qui ont servi de modèle au peintre du réalisme. Une exposition à ne pas manquer.

Yves Quemeneur

+ d’infos www.musee-courbet.fr