En Franche-Comté, le prix des carburants s’envole depuis 2021

Selon l’INSEE, les carburants ont connu un renchérissement de l’ordre de 20% en 2021 en Bourgogne Franche-Comté. Ils ont atteint un niveau record sur la seconde semaine de février 2022 (au niveau national, le prix du litre de diesel dépassait 1,74€ en moyenne). 

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Malgré une relative stabilité des prix à la pompe au début de la troisième semaine de février, la crise ukrainienne pourrait faire craindre une nouvelle flambée des prix du brut. Mais le prix du baril n’est pas l’élément essentiel du litre de gasoil ou d’essence.

60% de taxes

Selon les données de l’INSEE, le prix d’un litre de gasoil à 1,50€ au 22 octobre 2021 se décomposait comme suit : le pétrole brut (0.46€), le raffinage (0.03€), la livraison et la distribution (0.16€), la TICPE (Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques) représente 0.59€.

Particularité française : l’Etat applique une taxe sur la taxe…la double peine !

Et pour clore l’addition, il faut donc ajouter 0.12€ de TVA sur la TICPE et 0.13€ de TVA au taux de 20% prélevée sur le prix du brut, le raffinage et la distribution !

Le poids très important des taxes rend-il le prix des carburants plus élevé que chez nos voisins européens ? Dans les pays de zone Euro, la France ne vient pourtant qu’en septième position sur le prix du gasoil en novembre dernier (Belgique, Finlande, Pays Bas, Irlande, Italie, Allemagne). Et l’INSEE précise que, ramené au revenu médian des habitants, le prix des carburants en France reste dans les pays les moins chers.

613 stations-service en Bourgogne Franche-Comté

« Dans une région fortement rurale, la voiture est très utilisée pour les déplacements quotidiens » souligne l’INSEE. Le prix des carburants grève donc le budget des ménages, en particulier ceux résidant dans les territoires périphériques. Les prix y sont globalement plus faibles dans les zones urbaines par rapport aux territoires ruraux. Localement, cela peut se traduire par une différence de 4 à 6 centimes au litre selon le carburant.

Dans la totalité des 613 stations-service régionales, le gasoil est proposé partout, le SP98 dans 80% des cas et le CP95 dans 60% des stations. Quant au GPL (Gaz de Pétrole Liquéfié), il n’est proposé que dans 11% des stations. Le prix des carburants sur autoroute est en moyenne de 11% plus élevés. Les exploitants mettent en avant les coûts d’exploitation (ouverture 7j/7 et 24h/24).

60% des stations hors autoroutes sont situées dans les grandes surfaces. Pour ces géants de la distribution, le carburant est un « produit d’appel » sur lequel ils font des efforts sur leur marge de distribution, les rendant moins chers de l’ordre de 3 à 4% sur les stations des majors pétrolières et les indépendants.

Les chiffres publiés par l’INSEE font apparaître une grande différence dans l’implantation des stations-service selon les territoires. En zone rurale où les automobilistes sont dispersés, on compte environ 33 stations pour 100 000 véhicules et 18 dans les zones urbaines denses (Dijon, Besançon, Montbéliard, Belfort). Sur les axes majeurs de circulation, les grosses stations tirent leur rentabilité de la seule vente de carburants profitant d’un flux important de circulation. Dans certaines zones urbaines comme Montbéliard, le nombre important de stations-service en grandes surfaces favorise la concurrence et tirent les prix à la baisse.

L’enquête de l’INSEE démontre l’incidence importante des prix du carburant dans le budget des ménages. Il s’agit bien d’une dépense « contrainte » sur un territoire essentiellement rural. Les offres de transports en commun ne peuvent répondre aux besoins des familles et des professionnels, encore moins les modes doux dans des zones de plateaux ou de moyenne montagne.

Focus sur la distribution des produits énergétiques en Franche-Comté
Pierre-Louis Mermet, dirigeant de la société F3C, distributeur de produits énergétiques implanté à Baume-les-Dames ©

Notre région a la particularité de posséder deux entreprises indépendantes très importantes, toutes deux présentes sur le marché de la distribution de carburants depuis près d’un siècle (Thevenin-Ducrot et F3C).

« Si les chiffres de l’INSEE sont fiables, ils ont besoin d’être clarifiés avec l’expertise des professionnels » souligne Pierre-Louis Mermet, le dirigeant de F3C. L’entreprise créée en 1929 à Baume-les-Dames compte parmi la demi-douzaine de distributeurs indépendants et familiaux importants en France sur environ 1 500 distributeurs indépendants.

Face aux « majors » mondialisées (Total par exemple) les distributeurs indépendants s’adaptent aux nouvelles exigences environnementales, non par obligation mais surtout grâce au sens du service de proximité. F3C, en Franche-Comté, s’est développé à l’origine sur l’essor du chauffage au fioul. Au fil des années, l’entreprise s’est étendue sur tout le grand-est de la France et plus récemment dans le sud. Logiquement, elle a suivi les nouveaux besoins en chauffage, jouant le conseil et la transparence avec ses clients particuliers et professionnels. Pierre-Louis Mermet évoque en particulier les fausses annonces sur les chaudières au fioul. « Il est exact qu’à partir de 2022, les chaudières fioul devront être remplacées si elles sont irréparables. Il n’y a aucune obligation si la chaudière est en bon état de fonctionnement ». Il ajoute que « les chaudières alimentées au biofioul à base de colza vont se développer. Elles ont un triple avantage : la production vient des agriculteurs français, le réseau de distribution est local et le biofioul à base de 30% de colza est beaucoup moins polluant ».

« L’avenir est multi-énergie » souligne Pierre-Louis Mermet. « Dans 30 ans, il y aura encore du pétrole, qu’il s’agisse de carburants ou de produits élaborés à base de pétrole. Je réfute une transition énergétique « à la hussarde ». Il faudra du temps pour trouver les bonnes solutions alternatives aux énergies fossiles et ne pas se précipiter sur telle ou telle solution sans réfléchir à sa pérennité ». L’entreprise F3C intègre dès à présent la distribution de toutes les énergies (électricité, granulés de bois produits localement, panneaux photovoltaïques…) Selon le spécialiste de la distribution de carburants, le parc de véhicules utilitaires légers (VUL) sera toujours composé de 30% de gasoil en 2050. Pour Pierre-Louis Mermet, l’hydrogène peut être une des solutions soulignant malgré tout  « le besoin important en énergie de l’électrolyse de l’hydrogène pour en faire un carburant ».

Contrairement à l’analyse de l’INSEE, le patron de F3C considère que « la France reste le champion en matière de taxes sur les carburants. Aujourd’hui, la TICPE (Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques) rapporte à l’Etat 33 milliards d’euros. Si nous revenions au niveau de taxes de 2015, cela permettrait un gain de l’ordre de 10 cts/litre pour les automobilistes ! »…ajoutant « le poids toujours plus lourd des réglementations qui freine la croissance des entreprises ». La conclusion est simple selon le patron de F3C « diminuer les taxes et favoriser plus largement les transitions énergétiques sans se précipiter ».

Yves Quemeneur