Gilles Benest, président de FNE du Doubs

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Quel est le champ d’action de France Nature Environnement Doubs ?

Notre rôle est de promouvoir les préoccupations écologiques que ce soit avec des animations scolaires ou auprès du grand public… On sent aujourd’hui que les gens sont beaucoup plus réceptifs alors que nous déplorons encore une surdité des grands décideurs sur des questions majeures. Beaucoup ont encore du mal à écouter les inquiétudes et attentes de leurs concitoyens sur ces sujets. Nous espérons donc qu’enfin un dialogue et une concertation vont s’ouvrir

Notamment sur la crise climatique ?

C’est en effet une urgence. Nous constatons cette année encore la hausse des températures qui est étroitement liée aux émissions de dioxyde de carbone donc à notre consommation d’énergies fossiles. D’où la question de diversifier ces sources par exemple avec l’éolien qui est à la fois renouvelable et moins polluant. Mais il y a quand même des impacts dont il faut tenir compte. En conclusion, l’énergie éolienne est clairement intéressante, à condition de ne pas la déployer n’importe comment.

Sur quels leviers faut-il agir ?

Qu’il s’agisse des moyens de chauffage ou de la multiplication des installations de climatisation, ce sont par exemple des sujets à traiter. L’isolation des bâtiments est également une priorité pour éviter la surconsommation d’énergie. Enfin, nous devons nous interroger sur nos mobilités qui génèrent aussi de la pollution… autant de sujets graves qui impliquent des changements sur nos modes de vie et notre utilisation du territoire.

L’urbanisation excessive vous inquiète-t-elle ?

Nous sommes le pays d’Europe qui artificialise le plus ses sols. Ce qui signifie que nous perdons à contrario des terres agricoles et ce n’est plus possible. C’est un message que nous essayons de faire passer lorsque nous sommes consultés pour l’élaboration ou la révision des documents d’urbanisme des collectivités.

Quel est votre avis sur les pollutions agricoles ?

Je vais prendre l’exemple de la production de Comté qui est parfois sujette à polémique. Nous avons proposé au comité interprofessionnel de gestion du Comté d’allier leurs contraintes économiques et le respect de la biodiversité. Aujourd’hui, la production augmente ; or les surfaces de prairies ne sont pas extensibles ; donc elles subissent une pression croissante ce qui nuit à la biodiversité.

Nous proposons d’inclure un critère de composition florale des prairies dans le cahier des charges de cette appellation d’origine protégée. Ce serait une belle avancée écologique et aussi un bon argument économique. On créerait ainsi des crus de Comté comme ceux pour le vin, alliant le goût de ce fromage à la composition botanique des prairies où ont évolué les vaches.

Une louve vient d’être abattue dans le Haut-Doubs : votre réaction ?

Il faut raisonner en fonction du facteur temps. Il s’agissait d’une mesure d’urgence pour ne pas mettre en péril des professionnels de l’élevage à court terme. D’où la décision de tir prise par le Préfet. Nous ne condamnons pas car tout a été fait dans les règles comme nous avons pu le vérifier ; mais nous regrettons que cette décision n’a pas été appuyée sur des critères scientifiques. En effet, une question se pose, savoir si c’était utile ou pas ? Nous ne pouvions pas le savoir le 20 septembre au moment du tir. Certes, depuis on constate qu’il n’y a pas eu d’autres attaques de bovins. Je dirais que nous, c’est-à-dire tous ceux qui sont concernés, nous avons de la chance sur l’efficacité de cette décision, … jusqu’à présent.

Vous estimez pourtant la présence du loup souhaitable ?

Oui, absolument. Il faut que le loup, espèce protégée par la législation française mais aussi européenne, soit là même si sa présence pose des difficultés aux éleveurs qu’encore une fois nous comprenons. Il ne faut donc pas faire n’importe quoi et se contenter de réactions dans l’urgence. Il faut maintenant que tous les acteurs dans ce dossier discutent et trouvent des solutions pour que loups et éleveurs puissent cohabiter. Cet animal est en effet un atout reconnu pour la biodiversité. Le chien Patou est une solution qui a fait ses preuves ailleurs. Mais les réponses possibles sont multiples. Nous allons nous mettre autour d’une table et nous appuyer sur des données scientifiques rigoureuses pour que loup et éleveurs puissent coexister.