Doubs. Sociochaux, l’impulsion populaire du renouveau jaune et bleu

Créée en 2019 après les premiers déboires du club sous la houlette de Ledus et Baskonia, l’association Sociochaux souhaite instaurer un système de socios au sein de la direction du club. En sommeil depuis quatre ans, ce projet de reprise fut le premier annonce, le plus transparent aussi, à l’heure où la vie du FCSM reste accrochée à deux dossiers de reprises et une décision du CNOSF. Rencontre avec Mathieu Triclot, président de Sociochaux.

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Photo Samuel Coulon

Rappelez-nous dans quel contexte est créé ce mouvement ?

La création officielle date de 2019 mais nous avions commencé un an avant, au moment où Baskonia Alaves débarque au FC Sochaux-Montbéliard. Ledus Tech Pro, propriétaire de l’époque n’arrive pas à gérer le club et le confie au groupe espagnol. On en reparle aujourd’hui car à travers les potentiels repreneurs cités, il y a ou il y aurait eu des groupes de multipropriétés. On a déjà donné avec le FCSM et la naissance de Sociochaux c’est aussi à l’époque un mouvement de supporters contre ce choix de gestion.

On lance une consultation en ligne avec des questions assez détaillées pour les supporters, sur l’attachement au club. On s’aperçoit qu’il n’est pas tellement lié aux résultats même si l’espoir de remonter en Ligue 1 reste très fort. L’histoire du club, son empreinte et l’attachement familial sont majoritaires, tout comme la qualité du centre de formation. Deux points cruciaux très éloignés du projet sino-espagnol. Le mouvement prend, 1800 personnes répondent en quelques jours, on organise une restitution publique pour les élus, entreprises et autres acteurs locaux comme les potentiels repreneurs de l’époque, Pierre-Arnaud Rollin, Romain Peugeot qui aujourd’hui présente à nouveau un projet. C’est le point de départ de cette réflexion d’actionnariat populaire.

À cette époque on visait plutôt un fonctionnement comme Le Havre ou Guingamp. Chez les premiers, les supporters ont une action symbolique, ils ne siègent pas conseil d’administration du club mais ont néanmoins accès au fonctionnement détaillé. Guingamp est une SASP (Société anonyme sportive professionnelle) avec une association de supporters au capital et au CA du club. Ça fonctionne très bien.

Le 14 juillet dernier, près de 4000 supporters sochaliens se sont réunis à Bonal. Photo Samuel Coulon

Finalement, le FCSM est cédé au Groupe Nenking…

Samuel Laurent débarque avec eux. On présente notre projet au Groupe Nenking avec un premier retour glacial. On peut comprendre qu’ils ne soient pas fans de la transparence des comptes, mais Samuel Laurent nous dit à l’époque qu’il ne croit pas à notre projet car pour lui les supporters viennent uniquement pour les résultats. À la fin de la réunion, il prend un sac oublié de Wing Sang Li (ex-président et ex-patron de Tech Pro Technology qui avait racheté le FCSM en 2015 à Peugeot). Il sort la fameuse cravate jaune et bleue et me dit : « Je vous la donne pour que vous puissiez la brûler le jour où l’on remonte en Ligue 1 ». J’ai toujours la cravate ! (rires)

D’ailleurs vous aviez déjà rencontré Samuel Laurent avant l’arrivée de Nenking ? 

Il était venu incognito ! C’est une anecdote qui en dit beaucoup sur le personnage et sa manière de faire. Il s’était fait passer pour un simple traducteur d’une journaliste de Hong-Kong qui faisait à l’époque un article sur les déboires de Mr.Li. Les comptes du FCSM avaient fuité avec notamment le salaire de l’ancien directeur général Ilja Kaenzig. (Selon l’Est Républicain, le salaire de Mr.Kaenzig était de 663 087 € annuels, dont 145 512 € d’avantages en nature). Dans nos entrevues Samuel Laurent insistait pour avoir les fameux comptes détaillés du club, ce qu’on a refusé de lui communiquer. Il y a donc une défiance envers le personnage dès le départ.

On n’a pas reparlé de cette situation une fois qu’il était DG car pour venir lui présenter notre projet Sociochaux en 2019, on était passé par Emmanuel Desplats (à l’époque directeur général adjoint du FCSM) après plusieurs réunions.

Photo Samuel Coulon

Le projet Sociochaux est donc balayé à l’époque ?

Samuel Laurent nous dit qu’il en parlera avec les propriétaires chinois, que le projet est quand même intéressant. Il demande un document officiel, détaillé du projet, en français, anglais et chinois. On se met au boulot, on monte ce document dans les 24 heures suivantes. Des mois plus tard, au cours d’une réunion entre Frankie Yau (président du FCSM) et un autre groupe de supporters, on apprend que cette présentation n’est jamais parvenue dans les mains des chinois.

Que devient l’association ?

a majorité des adhérents voulaient la conserver, au cas où on aurait à nouveau besoin d’elle. C’est arrivé plus vite que prévu. Entre temps on a fait quelques actions on est presque devenu spécialiste de la Chine (rires), à force de suivre minutieusement les péripéties asiatiques. On savait très tôt que le marché chinois était en difficulté que l’entreprise majeure du groupe Nenking connaît des problèmes considérables. On en arrive à la situation actuelle. L’assemblée générale du 17 juillet était une réunion ordinaire devenue extraordinaire où l’on a eu plus de travail pendant les deux dernières semaines que sur les deux dernières années.

Comment s’est déroulée cette AG du 17 juillet 2023 ?

260 personnes connectées pendant plus de deux heures et demie pour échanger sur des sujets assez techniques. On a eu des présentations sur les modèles coopératifs, leurs avantages et leurs limites. Le représentant des supporters bastiais au conseil d’administration du club corse est intervenu pour expliquer le modèle corse qui nous inspire aujourd’hui, une SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif). Toutes les parties prenantes sont représentées au conseil d’administration. Le fonctionnement le plus démocratique possible. Salariés, principaux investisseurs, partenaires actuels et supporters. Peu importe l’investissement initial, chaque personne a une voix et tout cela s’organise par collèges pour déterminer le pourcentage du droit de vote. À Bastia par exemple, ils ont un représentant des socios et un représentant des différents groupes de supporters. On pourrait imaginer ça à Sochaux, avec un poste tournant entre la TNS, les Boys, le supporter club, etc. La vraie vertu est auprès des collectivités qui sont aussi représentées. PMA est l’un des investisseurs majoritaires grâce aux infrastructures, mais les communes de l’ensemble de la Région pourraient être représentées au FCSM. À Bastia il y en a 80 et le club irrigue tout le territoire de différentes actions.

Photo Samuel Coulon

Qu’en est-il de cette idée de levée de fonds ?

C’est la grande décision de cette AG cette levée de fonds sous forme de souscription. On ne veut pas faire une cagnotte de panique. Cette souscription doit être blindée dans ces conditions d’usage. Les participants ne donnent rien à Sociochaux, on parle d’un compte bloqué, activable par la suite en cas de besoin pour le club. Il y a un pacte avec des conditions d’activations. Dans le scénario le plus noir et le plus probable à l’heure actuelle vers le N3, on poussera pour que le club redémarre sous un format de SCIC.

Photo Samuel Coulon

La « souscription » débute à 50 € minimum et devrait être lancée très rapidement (NDLR : ce samedi 22 juillet). Cette initiative est aussi un appel aux potentiels futurs repreneurs du club. Imaginons que l’on arrive aux volumes bastiais où notre levée de fonds atteindrait les 300 000 €. Ça me paraît optimiste mais derrière, si les collectivités mettent autant, tout comme les partenaires, on a déjà un levier intéressant, tous ensemble. On ne sera pas plus riche comme association. Si le scénario catastrophe se confirme avec le dépôt de bilan, ce qui est très probable aujourd’hui, l’autre point c’est qu’aujourd’hui la forme SCIC est dans les têtes. On peut espérer que ce modèle qui nous paraît vertueux, se réalise.

Ce projet pour reprendre la main après des années de galère, paraît plus attendu que les autres. Pourtant il signifie aussi la disparition du monde professionnel …

Pour moi il n’y a pas d’hésitation à avoir. Si repreneur il y a pour rester en Ligue 2, même le plus opposé à notre modèle mais qui peut sauver le club avec son statut pro et sauver les emplois, il faut y aller. C’est une hiérarchie. Il y a ce que l’on veut comme supporters et les vies impactées par cette situation. Néanmoins, si on repart de 0, autant le faire sous cette forme où toutes les parties prenantes sont associées.

Croyez-vous aux dernières annonces des propriétaires chinois quant à la recherche active de repreneurs ? 

Il y a eu les approches d’un groupe piloté par Nedey début juillet pour un possible soutien au Groupe Nenking, le lundi suivant on parle de vente à un groupe chinois, puis finalement un groupe européen… Ce n’est pas impossible, mais si Nenking voulait vendre, il fallait préparer le terrain depuis trois mois. Il y a 12 millions d’euros à trouver et il n’y a plus d’actifs joueurs. Je regrette qu’il n’y ait pas d’union sacrée locale et que tous les acteurs ne soient pas transparents pour trouver une solution.

Combien êtes-vous d’adhérents à Sociochaux actuellement ?

On le saura officiellement lors de la souscription parce qu’on n’avait pas recensé le nombre d’adhérents depuis la création. Depuis quelques semaines on a reçu plein de demandes, c’est à nous de gérer l’engouement et le structurer pour se mettre au travail. Chaque personne apporte ses compétences. L’adhésion est conditionnée à la souscription et elle devrait durer jusqu’à un mois.

Si vous êtes intéressé par le mouvement, vous pouvez contacter l’association : contact@sociochaux.fr

Pour rejoindre la levée de fonds cliquez ici.