Doubs « Acheter Courbet » une nouvelle exposition du Pôle Courbet

Jusqu’au 23 avril 2023, la ferme familiale Courbet à Flagey accueille un large panorama d’illustrations, de reproductions, de lettres et documents de Gustave Courbet, permettant aux visiteurs une immersion dans le volet marchand du Maître d’Ornans.

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Courbet, promoteur de son œuvre

Ce témoin privilégié d’un XIXe siècle mouvant était à la fois anticonformiste, libre mais ses œuvres étaient aussi commercialisables. Gustave Courbet ne voulait pas se cantonner dans le conformisme du « Salon officiel ». L’institution était le lieu d’exposition et de vente incontournable. Elle maintenait aussi les artistes dans les carcans de l’art officiel.

Attentif à la mutation du marché de l’art, Gustave Courbet va expérimenter d’autres canaux pour diffuser son œuvre et en vivre. Il va aller à la rencontre d’une riche clientèle dont il satisfait les commandes. Il est aussi à l’origine du marché des galeristes, ces nouveaux intermédiaires entre l’artiste et l’acquéreur. Les maisons de vente vont rapidement se développer et donner à Paris le statut d’épicentre mondial du commerce de l’art.

L’exposition présente toutes les institutions, les pratiques et les grands noms du marché de l’art du XIXe siècle. On y suit les multiples ventes, de main en main, ou au travers de ventes aux enchères qui ont fait de Gustave Courbet, peintre de rupture, un artiste « bankable ».

Courbet et les Salons officiels

« Le Salon officiel » est le cœur de l’Académie des Beaux-Arts du XVIIe au XIXe siècle. Gustave Courbet va se servir d’un système qui permet autant de voir que d’être vu. Le Salon offre aux artistes les moyens de stimuler leur carrière, d’accroître leur réseau. Gustave Courbet veut marquer sa rupture avec le monde officiel de l’art, tout en étant conscient des opportunités du système. Il pratique une rupture de façade allant de la provocation calculée comme avec l’Enterrement à Ornans au Salon de 1850 et des œuvres qui répondent au jury dont le rôle est d’interdire l’exposition d’œuvres dites scandaleuses, contraires à la morale.

Courbet l’artiste entrepreneur est ses « actionnaires »

Le jeune peintre d’Ornans et les relations tumultueuses qu’il entretient avec les institutions officielles l’incite à chercher d’autres manières de vendre ses toiles. Gustave Courbet va mettre à profit ses voyages pour traiter directement avec les collectionneurs de la petite bourgeoisie rurale ou des collectionneurs étrangers. Les classes bourgeoises sont les nouvelles consommatrices d’art, appréciant les scènes du quotidien (paysages, animaux ou portraits). Courbet saura s’adapter à la demande du public sans toutefois déroger à ses principes de liberté.

Réhabilitation de l’œuvre de Courbet par sa sœur Juliette

Le parcours de l’exposition se poursuit par l’énorme travail de réhabilitation de Courbet par sa sœur cadette. Mort en 1877 dans son exil suisse, la réputation de Gustave Courbet a été ternie par sa participation à la Commune et sa condamnation pour la destruction de la colonne Vendôme. Légataire universelle du peintre, elle insuffle à partir de 1881 un nouveau souffle à l’œuvre de son frère. Elle va mettre en vente à l’hôtel Drouot 33 toiles de Courbet provenant de son atelier et offre à l’Etat l’œuvre monumentale « L’enterrement à Ornans » pour inciter le gouvernement à acquérir d’autres toiles.

L’histoire de la donation Marie et Bernard Cola

Passionnés par Gustave Courbet, Marie et Bernard Cola ont fait le choix en 2022 de faire une donation de 110 ouvrages au musée Courbet. Cette donation permet au Pôle Courbet d’enrichir sa documentation scientifique en la rendant accessible au centre de documentation du musée installé à l’atelier Courbet, tout juste rénové. Le fonds important apporte un éclairage sur la vie et l’œuvre de l’artiste. L’exposition « Acheter Courbet » a été initiée grâce à cette dotation et les ouvrages et documents permettant de mieux comprendre le rapport de Gustave Courbet avec le marché de l’art et ses acteurs.

Une exposition dans la ferme familiale de Flagey qui permet de « gratter » au-delà de la peinture, les raisons du génie de cet artiste.

Yves Quemeneur