Florian Panier, entraîneur de la Fédération Haïtienne de Ski Nordique et Stevenson Savart, premier fondeur du pays.

A 22 ans, Stevenson Savart est retourné au lycée Toussaint Louverture. Non pas pour ses études, terminées depuis 2018 et l’obtention d’un bac professionnel en menuiserie. Le jeune athlète traverse les couloirs de la section sportive de ski nordique aux côtés de son ancien professeur d’EPS, Florian Panier, skis de fond et bâtons en main. Le duo forme la première équipe de ski de fond d’Haïti et les locaux de l’établissement scolaire sont désormais leur camp de base, avec un objectif : les Jeux Olympiques de Milan en 2026.

Le lycée Toussaint Louverture, camp de base de l’équipe haïtienne

« Début septembre 2022, Stevenson est venu me demander d’être le coach officiel de la Fédération Haïtienne. J’ai réfléchi trois secondes avant de dire oui. Ce projet implique une telle histoire, un tel challenge, il faut le relever ! », explique Florian Panier, responsable de la section sportive de ski nordique du lycée.

Adopté à l’âge de trois ans

Ce projet d’une vie, c’est un rêve d’enfant pour le fondeur adopté à l’âge 3 ans qui découvre le ski et la neige dans les montagnes vosgiennes. « Je suis né à Delmas, une ville en Haïti et j’ai grandi dans les Vosges. A 5 ans, j’étais déjà sur des skis, c’est parti de là ! », sourit Stevenson Savart.

 

« Il voulait être vu comme un skieur et apprenti menuisier »

L’année 2015 est une étape importante pour le jeune fondeur. Il découvre Pontarlier et son lycée avec un cursus professionnel adapté à son parcours sportif. C’est aussi la première fois qu’il retourne voir sa famille biologique en Haïti.

Le lycée Toussaint Louverture est d’ailleurs l’un des deux seuls établissements professionnels à proposer une section sportive de ski nordique en France. Ils sont 18 élèves cette année. « Notre établissement a des liens forts avec Haïti par notre association ou les différentes actions menées dans le passé, ce n’est pas qu’un nom de lycée. Mais en arrivant ici, Stevenson voulait être vu comme le skieur menuisier du lycée. C’était déjà assez compliqué d’être grand et black dans le milieu du ski de fond, il ne voulait pas qu’on lui recolle l’étiquette Haïti par-dessus », glisse Florian Panier qui décèle rapidement des qualités intrinsèques chez le jeune homme.

Stevenson Savart, 22 ans.

« Je pourrai aider mon pays de naissance »

Stevenson Savart ne cache pour autant pas son passé bien au contraire : « J’ai travaillé sur mes origines, sur ce que je suis et j’ai retoqué à la porte de Florian pour lui expliquer mon projet : devenir le premier fondeur Haïtien et participer aux Jeux Olympiques de 2026 à Milan. A chaque fois que je suis sur les skis je pense à ma famille, à mon pays. Si j’arrive à faire de bonnes performances peut-être qu’un jour je pourrai les aider. » Un rêve devenu une mission ou presque pour l’homme de 22 ans désormais éducateur sportif, moniteur de ski licencié à l’Olympic Mont d’Or de Métabief. Stevenson Savart s’entraîne désormais six jours sur sept.

 

Construire son rêve à tout prix

Pour atteindre son objectif dans quatre ans, le jeune fondeur a un premier rendez-vous capital à Bessans, du 9 au 11 décembre. L’ouverture des manches nationales de ski de fond, permettant aux athlètes étrangers d’engranger des points pour les compétitions internationales.

Sur place Stevenson et Florian retrouvent Thierry Montillet, community manager de la Fédération Haïtienne de Ski, créée au lendemain des tremblements de terre de 2010. Le représentant débarque avec un cadeau symbolique : les vestes officielles de la Fédération. « Je me suis dit ça y est, c’est parti ! », glisse le fondeur.


Représenter le pays avec l’un des plus petits PIB au monde signifie aussi faire avec ses propres moyens. « Avec mon réseau j’arrive à récupérer du matériel d’anciens athlètes. Il faut bien se dire qu’un vrai pro dispose d’environ 6 à 8 paires de skis selon la neige et une paire coûte environ 600 €. Sans compter les voyages, le logement etc. Construire son rêve à un prix. » glisse Florian Panier.

Qualifié pour Planica !

Face à Stevenson à Bessans, la grosse équipe de France mais aussi des Argentins, Espagnols, Mexicains et même un athlète du Nigéria. « A l’issu de cette compétition, Stevenson a décroché son ticket d’entrée pour les championnats du monde de Planica ! On sera en Slovénie du 21 février au 3 mars avec l’ambition de faire un bon chrono’ », se réjouit Florian Panier, qui planifie étape par étape les avancées de son poulain.

Un premier pas dans l’histoire pour l’équipe Haïtienne de ski de fond. Stevenson disputera le sprint des mondiaux et devra d’abord passer par des barrages pour espérer disputer les courses de distances. « Je vais me retrouver aux côtés des gens qu’on voit à la télévision, Richard Jouve, Johannes Klæbo, c’est fou ! », savoure Stevenson avec la ferme intention de participer aux trois courses et de montrer ses qualités.

« Ce n’est pas un projet pour finir dans le bêtisier post-olympique avec le stéréotype du skieur black. L’inspiration de Rasta Rocket par exemple est généreuse mais nous on y va pour faire une perf’, à l’image de son homologue Haïtien Viano Richardson qui a fait un top 35 en slalom aux JO de Pékin. », poursuit l’entraîneur. A Planica, Stevenson retrouvera peut-être deux autres athlètes qui comme lui, on choisit leur pays d’origine pour tenter de se qualifier.

A la recherche de sponsors

Du troc, des dons, voilà comment fonctionne la vie d’athlète de Stevenson Savart depuis le lancement de son projet. Après cette belle qualification pour Planica en Slovénie, le duo va s’atteler à la recherche de sponsors pour épauler le jeune fondeur dans sa quête. Si vous souhaitez apporter votre soutien à Stevenson, contactez directement le Lycée Toussaint Louverture.

M.S