La France à l’épreuve d’un projet de loi de finances 2025 inédit

L’expression savoureuse prêtée à Jacques Chirac ou Charles Pasqua prend tout son sens depuis les élections législatives du 7 juillet qui marquent probablement la fin de l’État "nounou".

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This picture taken on April 8, 2020, shows the empty Bercy bridge and the French Economy and Finance Ministry in Paris, on the 23rd day of a lockdown in France aimed at curbing the spread of the COVID-19 pandemic, caused by the novel coronavirus. (Photo by BERTRAND GUAY / AFP)

Depuis 2022 et la majorité relative pour le camp présidentiel, les budgets ont été adoptés sans vote, par le recours à l’article 49.3 de la Constitution. Cette année, l’équation risque bien d’être impossible à résoudre. Les élections législatives du 7 juillet n’ont pas permis de dégager une majorité…même relative. Trois blocs s’opposent et à l’intérieur de chacun d’entre eux, ce n’est pas le grand amour.

Côté Nouveau Front Populaire, le PS et le PC prennent leurs distances avec la France Insoumise. Marine Tondelier peut bien parler de « biodiversité » politique au sein de la gauche, les Verts rechignent à suivre les excès des amis de Jean-Luc Melenchon. Le plus petit dénominateur commun aux 4 partis du NPF s’appelle Lucie Castets. L’énarque de 37 ans passée par SciencesPo ne va pas se faire des amis chez les Insoumis. Quand ceux-ci parlent de la destitution d’Emmanuel Macron, elle évoque une cohabitation polie avec le Président de la République. Quand la France Insoumise veut l’application de « tout le programme du NPF sans délai », Lucie Castets évoque l’augmentation du SMIC comme un horizon ou l’abrogation de la réforme des retraites un travail à mener avec les partenaires sociaux.

Du côté de la désormais ex-majorité présidentielle qui s’est réduite comme peau de chagrin, Emmanuel Macron tente de vendre (en soldes ?) le « en même temps » qui lui avait permis de gagner en 2017. Quant à Gabriel Attal, il sort de son chapeau « l’impôt participatif ». Le dispositif permettrait à chaque contribuable de flécher une faible part de son IR en direction d’une politique publique qu’il entend soutenir. « Une nouvelle usine à gaz fiscale qui pourrait cacher une augmentation d’impôt » selon Eric Ciotti.

A droite, les Républicains font des ronds de jambe au Président de la République. Comme Lucie Castets pour la gauche, les LR entendent placer Xavier Bertrand à la tête d’un gouvernement de coalition allant des déçus du PS aux Républicains, oubliant au passage que le Président de la Région des Hauts de France disait le plus grand mal du parti de Laurent Wauquiez en 2017, celui-là même devenu en juillet dernier le patron des LR à l’Assemblée !

Quant au Rassemblement National, 1er parti représenté à l’Assemblée Nationale, il fait les frais de sa dédiabolisation. Absent du bureau et des Commissions de l’Assemblée par un accord contre nature entre macronistes et insoumis, le parti de Jordan Bardella reste « l’élève bien élevé » de la classe politique, en embuscade des motions de censure qui ne manqueront pas de sanctionner le prochain gouvernement…quel qu’il soit !

Un budget 2025 sous le contrôle de la Commission Européenne

Depuis la mi-juillet, la France est placée en procédure de déficit excessif par la Commission Européenne. Le Pacte de stabilité budgétaire européen oblige chaque État-membre à maintenir son déficit public en dessous de 3% du PIB et sa dette en deçà de 60% de la richesse nationale. En l’espèce, le déficit est de 5,5% du PIB et la dette atteint plus de 110% du PIB qui devrait passer la barre de 114% compte tenu de la persistance du déficit.

Cette procédure va imposer la réduction d’au moins 0,5% par an du déficit sur une période de 4 ans. A défaut, l’Etat français risque une amende européenne de 2,7 milliards d’euros par an. L’incertitude et le blocage politiques après les élections législatives peuvent avoir des conséquences négatives sur l’économie de la France et sur ses investissements.

Billet d’humeur

Le prochain (ou prochaine) Premier Ministre devrait avoir en tête deux citations prêtées à Winston Chrurchill : « On considère le chef d’entreprise comme un homme à abattre, ou une vache à traire. Peu voient en lui le cheval qui tire le char » ! Et pour faire bonne mesure « le vice inhérent au capitalisme consiste en une répartition inégale des richesses. La vertu inhérente au socialisme consiste en une égale répartition de la misère » Sur ces réflexions, bonne rentrée économique à tous. La politique est un théâtre…Drame ou comédie ?

Yves Quemeneur