Grand Besançon. La gratuité des transports : argument électoral ou vraie solution de mobilité ?

Le 25 octobre dernier, un collectif bisontin organisait une conférence sur le thème de la gratuité des transports urbains à Besançon. Des réponses souvent simplistes à une vraie problématique de la mobilité dans une agglomération de 200 000 habitants.

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Environ 50 personnes ont écouté les arguments de Patrick Le Moal (en pull rouge) et de Martine Chevillard (AC) à l'initiative de cette réunion le 25 octobre au Kursaal (salle Ory) ©YQ

La réunion était organisée à l’initiative de Martine Chevillard. L’ancienne professeure d’Histoire-Géographie et militante active d’AC (Agir ensemble contre le chômage) milite pour la gratuité des transports depuis 1995. Elle était entourée d’une représentante du NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste) d’un représentant d’A Gauche Citoyens (mouvement participant à la majorité municipale de Besançon) et de Georges Ubbiali, ancien Maître de conférences en sociologie à l’Université de Franche-Comté et conseiller départemental d’opposition du Doubs proche du Parti communiste. La soirée était animée par Patrick Le Moal, ancien Inspecteur du Travail et militant actif de l’Union pour la Gratuité et le Développement des transports publics (UGDT), apôtre d’une rupture radicale avec le capitalisme.

Un versement mobilité à 3% de la masse salariale, une fausse bonne idée ?

Pour Patrick Le Moal, la gratuité des transports publics répond à une urgence sociale et sanitaire. « Elle apaise les relations entre usagers et réduit les incivilités en supprimant les contrôleurs. C’est aussi une façon de contrer l’assignation à résidence des personnes en précarité qui ne peuvent pas payer un ticket de bus. Sur le plan sanitaire, « les études démontrent que 50 000 personnes meurent chaque année en France du fait de la pollution, largement engendrée par le transport automobile ». Le débat n’aura pas été épargné par quelques poncifs « les riches polluent plus que les pauvres », « les bourgeois ne veulent pas se mélanger au peuple dans les bus », « l’argent existe, il suffit de prendre dans les profits indécents des entreprises », etc. Avec toutefois une proposition concrète : passer le versement mobilité de 2 à 3% de la masse salariale.

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Cela signifierait sur le territoire de Grand Besançon Métropole d’augmenter la contribution des entreprises de plus de 20 millions d’euros. En contrepartie, les entreprises ne seraient plus obligées de rembourser 50% des abonnements Ginko…oui sauf pour un salarié travaillant à Besançon et résidant à Saône ou à Saint Vit  dont l’abonnement TER sera encore pris en charge à 50% par l’employeur. Pour autant, la desserte de certaines zones d’activité ne seraient pas couvertes ou le cadencement inadapté aux horaires des entreprises. Sans oublier le coût du versement mobilité sur le budget des collectivités publiques (mairie, département…), ou celui du CHU (on imagine le surcoût pour un établissement qui emploie 7 000 agents).

Les transports en commun sous la houlette de GBM ?

Au contraire de nombreux groupes communistes ailleurs en France, pour Christophe Lime, vice-président de GBM en charge de l’eau et l’assainissement, « la gratuité des transports n’est pas une solution que nous portons ». Pour l’élu « la loi nous autorise à porter le versement mobilité de 1,8 à 2%, considérant que Besançon est une commune touristique. Cette augmentation devrait s’accompagner d’une offre supérieure de transports en commun pour les salariés des entreprises ». Sur ce point, pas d’accord entre majorité et opposition. Christophe Lime milite également sur le passage des transports en commun en « régie communautaire », « ce n’est pas une position idéologique mais un argument financier. Ginko dégage un bénéfice de plus 1,5 million d’euros en 2022, ce bénéfice serait mieux dans les caisses de l’agglomération » ! On ne peut pas croire que Christophe Lime ne sache pas lire un bilan ou un compte de résultats. Le résultat courant de Ginko Mobilités Besançon avant impôt était de 476 567€ en 2023, résultat duquel il faut amputer la participation des salariés aux résultats de l’entreprise (88 865€) et l’impôt sur les sociétés (107 427€), soit un résultat net après impôt et participation de 280 141€. Là encore, pas de consensus.

Christophe Lime reprend une autre idée notamment partagée par Ludovic Fagaut (Besançon Maintenant) : la gratuité du réseau Ginko pour tous les collégiens. Les deux élus mettent en avant les mêmes arguments, « d’une commune de GBM à l’autre, certains collégiens bénéficient de la gratuité s’ils sont transportés par la Région pendant que d’autres résidant à quelques kilomètres doivent s’acquitter de l’abonnement Ginko. Il y a là une iniquité de traitement que nous devrions réparer » confirme Ludovic Fagaut. Le coût pour la collectivité est estimé autour de 1,2 million d’euros par an.

Un périmètre d’entreprises contributives restreint

Grand Besançon compte plus de 12 000 entreprises mais seulement 900 contribuent au versement mobilité selon Christophe Lime. « Depuis le 1er janvier 2020, le seuil de 11 salariés déclenchant le versement mobilité, ne produit d’effet que si ce seuil est atteint ou dépassé durant 5 années consécutives » (service-public.fr). L’application d’une hausse du taux de versement mobilité aurait donc un impact d’autant plus important, portant sur un nombre d’entreprises plus restreint.

Lors des prochaines élections municipales, la gratuité des transports en commun sera au cœur des débats : entre les tenants du tout gratuit (école gratuite, cantine gratuite, santé gratuite, transports gratuits) qui ne parlent jamais du coût en taxes, impôts et contributions diverses ; et les tenants d’une amélioration pragmatique de l’offre de transport, en particulier dans les trajets domicile-travail. Le coût et l’offre de transport public n’est qu’un élément parmi d’autres de l’attractivité du territoire de Grand Besançon.

Yves Quemeneur