Financer les agriculteurs pour les bénéfices de leur travail environnemental

Les paiements pour services environnementaux (PSE) en agriculture rémunèrent les agriculteurs pour des actions qui contribuent à restaurer ou maintenir des écosystèmes.  28 agriculteurs du territoire du Grand Besançon s’engagent pour améliorer la qualité de l’eau potable et reconquérir la biodiversité.

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François Rollin, directeur territorial de l'Agence de l'Eau, Denis Jacquin, conseiller communautaire en charge de l'eau à GBM, Thierry Decosterd Président du Sievo et Stéphane Sauce, vice-président de la Chambre d'agriculture encadrent Adrien, Jean-Marie et Didier Mairot, dont le GAEC à Fontain fait partie des 28 exploitations volontaires aux PSE ©YQ
Un dispositif économique et écologique

En 2019, le ministère de la transition écologique et les six agences de l’eau ont mis en place un régime d’aide aux agriculteurs, accepté par la Commission européenne en février 2021. Il prévoit un budget de 150 millions d’euros pour valoriser les bonnes pratiques des agriculteurs. Le dispositif repose également sur le partenariat avec les collectivités et les chambres d’agriculture.

« Sur le territoire de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, ce sont 45 millions qui sont fléchés auprès de 750 agriculteurs gérant 68 000 hectares » a souligné François Rollin, Directeur de la délégation régionale de l’Agence de l’eau à Besançon.

Des comportements plus vertueux

Le ministère de la transition écologique et certains groupes politiques montrent du doigt la filière agricole comme étant la principale responsable de la détérioration de la qualité des eaux et de la baisse de la biodiversité. La réalité est toute autre ! Les agriculteurs sont les garants d’une eau potable de qualité et de la protection de la biodiversité. Pour autant, les pratiques vertueuses qu’ils appliquent quotidiennement doivent être valorisées du fait des bénéfices pour la société toute entière (préservation de la qualité de l’eau, stockage du carbone, protection des paysages…)

En Franche-Comté, le territoire couvert par le dispositif est vaste. Il va de Baume-les-Dames et le Pays de Clerval à Fourg et Saint-Vit en passant par Nancray et Valdahon. Il totalise plus de 4 000 ha dont 1 748 hectares sont situés sur les zones de ressources en eau stratégiques du Grand Besançon.

Un projet ambitieux

Denis Jacquin, le Maire de Torpes et conseiller communautaire de GBM en charge de l’infrastructure de l’eau et Christophe Lime, vice-président en charge de l’eau et l’assainissement « entendent bien avec la mise en place des PSE, améliorer sensiblement la qualité de l’eau potable du Grand Besançon et reconquérir la qualité des cours d’eau et la biodiversité ».

Le projet bénéficie du soutien de l’Agence de l’Eau Rhin-Rhône-Méditerranée Corse à hauteur de 3 406 356€. Les 28 agriculteurs concernés par ce premier projet recevront cette somme sur une période de cinq ans. L’objectif est de créer plus de 20 km de haies et 220 arbres isolés tout en développant des pratiques agronomiques vertueuses qui limitent l’utilisation des engrais ou des pesticides.

Explication concrète au GAEC Mairot à Fontain

Le 21 juin, l’Agence de l’Eau et Grand Besançon Métropole avaient choisi l’exploitation Mairot à Fontain pour présenter les objectifs du PSE. La ferme gérée par Adrien, Jean-Marie et Didier Mairot s’étend sur 137 hectares où sont élevées 55 vaches qui produisent du lait à Comté. Leur engagement porte sur deux objectifs principaux. D’une part, la plantation de 70 arbres sur toute la surface de l’exploitation et plus de haies accueillant des insectes polinisateurs. D’autre part, de compter régulièrement les populations de vers de terre pour en estimer l’évolution.  Les vers de terre créent de la porosité, permettant à l’eau et à l’air de mieux circuler, participant ainsi à la minéralisation de la matière organique des sols. Un sol riche en vers de terre est un sol dont l’activité biologique est active.

Le « test moutarde » permet de compter les vers de terre et de déterminer la qualité biologique de la terre…à condition de disposer de moutarde, un produit bien rare en ce moment

Le travail de comptage « test moutarde » est effectué en collaboration avec la Chambre d’agriculture du Doubs-Territoire de Belfort, comme l’a rappelé Stéphane Sauce, vice-président de la Chambre. « Les placettes d’études sont délimitées dans un cadre de 1m². Dans un arrosoir de 10l, on dilue 300 gr de moutarde qui est arrosé de manière homogène. Au terme de 15’, les vers de terre qui remontent à la surface  sont récoltés, comptés et stockés pour enfin identifier la catégorie de vers puis extrapoler les résultats de chaque placette au niveau de l’hectare ».

D’autres exploitations ont des objectifs différents, comme l’identification et le comptage des papillons ou des abeilles.

Stéphane Sauce, vice-président de la Chambre d’Agriculture Doubs-Territoire de Belfort, a exposé les intérêts du PSE pour les exploitations agricoles ©YQ

Il s’agit bien d’un programme qui associe économie des exploitations agricoles (moins d’intrants, c’est moins de coûts de production) et écologie des territoires dans une démarche globale portée par la Communauté Urbaine de Besançon visant à maîtriser les pollutions et à s’adapter au changement climatique. En collaboration avec l’Agence de l’Eau, Grand Besançon a listé l’ensemble des enjeux sur le territoire « Vallées du Doubs, de la Loue et de l’Ognon ». Le diagnostic a contribué à mobiliser les exploitations agricoles volontaires pour amorcer cette transition. De son côté, l’Agence de l’Eau soutient les actions préventives pour réduire la pollution qui menace les captages d’eau potable. Pour François Rollin, « réduire les pollutions à la source est plus efficace et moins coûteux que le traitement des pesticides dans les usines de traitement ». La reconquête de la biodiversité dans les cours d’eau par exemple éviterait que 22% des poissons d’eau douce soient menacés.

En conclusion, les « Paiements pour Services Environnementaux » (PSE) ne sont pas une charge de plus pour les agriculteurs mais un mieux pour la rentabilité de leurs exploitations. Les PSE sont la démonstration de leur travail au service de la société toute entière. « Les agriculteurs sont producteurs d’alimentation, ils sont aussi producteurs d’environnement » a conclu François Rollin.

Yves Quemeneur