Le tabou des hommes battus

Depuis le mouvement MeToo puis le Grenelle des violences conjugales, la parole des femmes s’est libérée sur les violences subies. Sans faire une comparaison morbide, les hommes battus restent les grands oubliés des violences conjugales alors qu’ils représentent une victime sur quatre.

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Les hommes victimes ne parlent pas

Selon Ulrick Lemarchands, Président de SOS Hommes Battus France, l’une des rares associations accompagnant les hommes victimes de violences conjugales « 97% des victimes ne portent pas plainte ». Cet ingénieur de 41 ans se bat au quotidien pour faire sortir les victimes de l’anonymat. Pour celui qui est resté 7 ans avec sa femme bourreau « l’homme est perçu comme fort, la femme faible et donc victime ».

25 hommes décèdent chaque année sous les coups de leur compagne

En 2022, 106 femmes sont mortes en France, victimes de leur conjoint ou ex-conjoint. Dans le Doubs,  on a recensé 4 décès liés à des violences conjugales. Le Doubs a enregistré une hausse exponentielle des faits de harcèlement : 72% entre 2019 et 2022.

Ulricks Lemarchands de SOS Hommes Battus s’insurge contre le silence coupable qui frappe les violences conjugales dont sont victimes les hommes. « Il ne s’agit de minimiser les violences faites aux femmes, bien au contraire. Nous souhaitons seulement sortir de l’anonymat ces 25 hommes morts sous les coups de leur conjointe et que leur statut de victime soit totalement reconnu ». Il n’existe pas ou peu de statistiques judiciaires compte tenu de l’absence de plaintes. Pire, les 25 décès ne prennent pas en compte les suicides consécutifs à ces violences. « Il faut que cesse ce déni » souligne également Pascal Combes, Président de l’association « STOP Hommes battus ». 5,6% des hommes dans la catégorie d’âge entre 18 et 74 ans disent avoir été au moins une fois victimes de violences par leur compagne ou ex-compagne, soit un homme sur 18 !

« Comment peut-on avoir peur de sa femme »

La société, encore basée sur le patriarcat, a du mal à admettre la position d’infériorité de l’homme. « Les victimes préfèrent se murer dans le silence pour ne pas briser le mythe de la virilité » observe Jean-Noël Gateau, médecin de l’association SOS Hommes Battus (le JDD du 13 Août 2023). Ils préfèrent demeurer dans le déni.

Comme cela a été le cas pour les violences faites aux femmes, police, gendarmerie et justice doivent faire leur aggiornamento. Dans l’inconscient collectif, « un homme doit être viril, costaud et ne pas pleurer » témoigne Thierry, un Charentais de 44 ans.

De victime, l’homme battu devient parfois le bourreau

Parmi les nombreux témoignages reçus par SOS Hommes battus, figurent des exemples qui font froid dans le dos. C’est le cas de Charles-Henri un cadre trentenaire (le JDD du 13 août 2023). Après un passage à l’hôpital, les médecins découvrent des bleus et des morsures. Il accepte de porter plainte et sa compagne passe 48 heures en Garde à Vue. Sous emprise de sa compagne, il déclare avoir menti devant le tribunal. Elle est toutefois condamnée à six mois de prison avec sursis pour « violences habituelles sur conjoint ». Incité par le tribunal à cesser cette « relation toxique », Charles-Henri se suicide deux mois après. Pour sa mère, il est l’une des 25 victimes masculines décédées du fait de violences conjugales. Sa compagne est toujours libre !

Parfois, on va jusqu’à justifier des violences faites à un homme par un péremptoire « si elle a tapé, c’est qu’elle avait de bonnes raisons ».

Les hommes victimes de violences conjugales sont bien entendu beaucoup moins nombreux que les femmes. Pour autant, ils existent et doivent être reconnus. La violence est intolérable…quel que soit le genre !

Yves Quemeneur

+ d’infos

SOS Hommes Battus France – Ulrick Lemarchands Président – 06 35 30 39 76 – 07 67 97 68 77

STOP Hommes Battus – Pascal Combe Président – 06 81 92 14 58 – pascal2_2007@live.fr