Besançon. Tags antisémites : quand les élus préfèrent le clash à l’union

En fin de conseil municipal lundi 6 novembre, la majorité et les oppositions se sont une nouvelle fois attaquées autour d’un sujet qui n’appelle pourtant qu’à l’union : les multiples tags antisémites retrouvés sur différents murs et lieux de la Ville. Désolant.

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Avant le clash avec en fond le sujet des tags antisémites, l'esprit de concorde aura duré le temps d'une minute de silence… en début de séance.

Après de longs rapports soporifiques, vient le sujet du classement aux monuments historiques du monument aux morts du cimetière de Saint Claude. Moment choisi par Laurent Croizier, député et élu Modem, profitant de ce « cavalier » pour évoquer les tags antisémites à Besançon. Une façon symbolique pour lui de rappeler sa position et celle de son groupe au conseil municipal, alors que l’intéressé avait déjà partagé son avis sur le sujet à plusieurs reprises au cours des jours précédents, comme une majorité d’élus du conseil.

Cette fois, c’est Anne Vignot qui a déclenché un clash avec les oppositions, qui ne se sont pas fait prier pour répondre.

Manque de respect et échange inutile

En débutant son propos, Laurent Croizier est coupé net par Anne Vignot : « Pardon, je voudrais vous interrompre un instant […] vous êtes en train de faire ce que vous nous avez reprochés tout à l’heure, ce que vous faites maintenant ». Une petite vengeance pour la maire qui, avec sa majorité une heure plus tôt sur le dossier de la Maison des femmes, ont été repris par les oppositions rappelant le règlement (voir encadré). Une erreur tactique, un manque de respect surtout de la part de l’élue, tant la teneur du discours de Mr.Croizier confortait simplement sa position tenue après les attaques du 7 octobre. Le député saisit immédiatement la perche tendue pour tacler l’élue. « Vous vous rendez compte des raisons pour lesquelles vous m’avez coupé ? Mesurez votre erreur. Je trouve ça honteux, il y a des moments où il faut savoir se taire ». S’en suit un échange houleux entre les deux protagonistes, chacun souhaitant s’ériger en plus grand défenseur républicain que l’autre… « J’ai honte madame la Maire » répète le chef du groupe Ensemble Bisontins, avant de quitter la salle, en colère ou peut-être vexé.

Les oppositions claquent la porte

Ludovic Fagaut s’empresse de renchérir. « Ce n’est pas bien ce que vous faites madame la Maire. Nous nous sommes tous élus de la République, nous sommes tous élus avec une sensibilité, des convictions fortes. Vous coupez la parole à un député de la République sur un sujet fondamental ! […] Nous devons être unis sur ces sujets-là ! » Habitué à déclencher des joutes verbales, le chef de file Besançon Maintenant touche juste, en rappelant l’importance de l’union sacrée autour d’un tel sujet. Des propos qui ne seront pas suivis des mêmes actes. « […] Vous donnez des leçons tout le temps, effectivement nous avons tous pris la parole (pour évoquer) notre émotion et indignation concernant ces tags. Je le dis car je n’ai pas forcément entendu les uns et les autres en soutien à ce que nous disions quand, par exemple j’allais porter plainte au sujet de croix gammées. », répond Anne Vignot, laissant entendre que l’opposition aurait une condamnation à géométrie variable… De quoi rendre furieux Ludovic Fagaut, qui à son tour, claque la porte du conseil municipal. « Nous condamnons tous les propos islamophobes, et racistes quels qu’ils soient ! » Les élus restants auront tout de même voté en faveur du classement du monuments aux morts du cimetière Saint-Claude, aux monuments historiques.

Très remonté, Ludovic Fagaut a quitté le conseil municipal, comme Laurent Croizier.

L’histoire n’en reste pas là et c’est peut-être encore plus gênant. Alors que la séance plénière aura donné près de 4h, Ludovic Fagaut et Laurent Croizier ont immédiatement posté des réactions sur leurs réseaux sociaux, uniquement à propos de ce nouveau « scandale ». En formulant un communiqué commun, les deux élus en ont même profité pour mentir à leur avantage : « Nous nous attendions à ce que la maire de Besançon tienne des propos forts et rassembleurs pour condamner […] les inscriptions antisémites […] après plus de trois heures trente de débats, pas un mot de la part de Madame Vignot et de sa majorité […] ». Outre le fait qu’Anne Vignot a déjà condamné ces actes, la Maire a bien débuté son conseil municipal par une minute de silence en hommage à Charles Piaget, Jean-Christophe Pollien mais aussi en évoquant les tags antisémites sur les murs de la Ville, parlant des « pires moments de notre histoire » (pointant du doigt les groupuscules d’extrême droite que l’antisémitisme lié au conflit israélo-palestinien).

Besançon et ses habitants méritent mieux que ces sempiternelles passes d’armes entre majorité et opposition. S’il est regrettable et décevant qu’aucune union n’ait été impulsée par Anne Vignot contre ces tags antisémites, la réaction des oppositions n’est pas plus efficace.

Consensus autour de la maison des femmes

Majorité et opposition sont d’accord sur un lieu d’accueil multidisciplinaire pour les femmes agressées, violées ou battues dans le cadre familial ou dans l’espace public. C’est une cause nationale qui ne mérite pas de débat. La chronologie des décisions de la majorité pose toutefois question. Le changement d’affectation de l’ancienne résidence autonomie Huot par le CCAS est le lieu idéal pour accueillir professionnels de santé, associations et tous les acteurs du combat contre les violences faites aux femmes, mais  » comment le conseil municipal de Besançon peut voter l’achat d’un bâtiment du CCAS sans que celui-ci ait pris la décision de le vendre « , lancent Ludovic Fagaut soutenu par Laurent Croizier. L’argument porte sans que cela ne remette en cause le bien-fondé du projet, s’empressent d’ajouter Ludovic Fagaut et Laurent Croizier. Un rappel au règlement que n’oubliera pas Anne Vignot.

M.S et Y.Q