Édito. Épargnez-moi

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Dans l’actualité cette semaine Charlie Hebdo a une nouvelle fois réussi son coup : faire parler de son journal avec à une caricature choc. Celle du petit Émile, cet enfant disparu depuis deux semaines dans un hameau des Alpes-de-Haute-Provence. L’enquête est toujours en cours, le mystère est total ou presque, alimentant les pires théories de détectives en herbe. La caricature a fait exploser les réseaux sociaux. On peut lire des centaines d’insultes comme « Charlie Hebdo, vous êtes des m*** », « Je ne suis pas Charlie et je ne l’ai jamais été ». À chaque dessin, des gens contre Charlie le crient haut et fort.

Personnellement je suis contre ces gens « contre ». Être Charlie c’est d’abord pouvoir dire librement que l’on n’aime pas ces caricatures. Elles peuvent toucher, elles peuvent blesser, mais ce n’est pas les dessins que l’on sacralise, ce sont les idées que cet hebdomadaire défend et les mémoires de ceux qui ont eu le courage d’écrire ou dessiner. Ce n’est pas la disparition d’un enfant de 2 ans et demi qui amuse Félix, la satire se joue des mœurs, s’il fallait le rappeler. Je suis Charlie, tout le monde ou presque l’est, y compris chez les indignés de la moindre esquisse. À cause des « je ne suis pas Charlie », je me retrouve à défendre un hebdomadaire capable de m’humilier en une seule caricature pour me remercier, au nom de la liberté.

De la même manière, cette année je me suis déjà retrouvé à défendre à défendre Bilal Hassani alors que j’adore la musique, à défendre l’abaya alors que j’adore mes vêtements, épargnez-moi ! Les mœurs de notre société n’ont pas beaucoup changé depuis Voltaire et l’actualité de l’été reste figée depuis 2016, comme en témoigne cet édito inspiré d’un sketch de Fary. On peut rire de tout en se rappelant que des personnes sont mortes pour le faire.